Nassima Barkallah rejoint la liste de David Rachline
Est-ce la fin d’un tabou ? La militante associative et femme politique franco-tunisienne Nassima Barkallah (jusque récemment LREM) annonce rejoindre la liste de David Rachline, élu maire en 2014 sous l'étiquette FN, devenu RN, et candidat sans étiquette partisane à sa propre succession à Fréjus, département du Var, région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Nous l’avons contactée.
Contactée par le Courrier de l’Atlas pour en savoir plus sur son background ainsi que les motivations de cette décision qualifiée de « coup de tonnerre » par la presse locale, Nassima Barkallah, que nous connaissions déjà en Tunisie pour avoir été élue en 2016 vice-présidente de la Chambre Economique France-Tunisie, explique :
« Fille d’immigrés tunisiens, j’ai grandi à Fréjus et ai développé mes premières expériences professionnelles entre la Tunisie et la France. Je me suis ensuite tournée vers le secteur de l’économie sociale et solidaire avant de m’investir dans le milieu associatif, fondant en 2013 l’association Scara-b, dévolue à l’éducation populaire et à l’aide humanitaire. De 2014 à 2016, j’ai également été présidente d’un centre social en quartier prioritaire à Fréjus. En juin 2016, j’ai été élue Vice-Présidente de la Chambre Economique France-Tunisie, dont l’objectif est de développer des activités économiques entre les deux rives de la Méditerranée. Je suis également relais territorial pour la République en Marche.
En 2014, à ma prise de fonction comme présidente de centre social, j’ai pensé que j’allais être une adversaire de David Rachline, nouvellement élu. Mais nous avons été des partenaires institutionnels. J’étais face à un homme pragmatique, loin de l’incantation idéologique et du dogmatisme que certains ont voulu lui reprocher. Nous avons œuvré pour l’intérêt général, malgré l’éloignement de nos adhésions politiques.
Pour des raisons personnelles, je suis particulièrement impliquée dans la lutte contre les violences faites aux femmes et également pour l’insertion des personnes handicapées, et je consacre mon temps à des combats qui me tiennent à cœur : la justice sociale, la solidarité, l’humanisme, l’éducation, l’égalité.
Aujourd’hui, je souhaite poursuivre ces combats et porter haut mes convictions. C’est pourquoi j’ai souhaité répondre à l’appel de David Rachline et rejoindre son équipe. Pour continuer à soutenir des actions pour l’éducation, pour l’inclusion, pour le bien-être des seniors, pour les femmes victimes de violences, pour l’accessibilité de l’espace public, pour le développement économique. Pour que Fréjus soit réunie, au-delà des couleurs politiques et des esprits partisans, pour faire croître les liens de proximité et rendre la ville de Fréjus plus attractive encore ».
Colère à LREM
Visiblement furieuses, les instances de La République en Marche ont bien entendu réagi fort négativement à ce rapprochement, comme en témoigne la réaction épidermique du référent départemental LREM.
Ainsi le parti dit « avoir pris acte de la communication sur les réseaux sociaux et dans la presse de Nassima BARKALLAH (dont le nom est écrit en majuscules contrairement à celui de Rachline, ndlr) qui annonce rejoindre la liste de David Rachline, élu Maire en 2014 sous l'étiquette FN et candidat à sa succession à Fréjus.
Notre mouvement, en cohérence avec notre engagement sans concession de lutter contre les partis extrêmes, procède immédiatement à l’exclusion de Nassima BARKALLAH et lui retire toutes ses prérogatives.
Au-delà de la trahison idéologique dont Nassima BARKALLAH fait preuve vis-à-vis de notre mouvement politique, nous ne pouvons que constater le caractère opportuniste de ce soudain ralliement.
Nous réaffirmons ici notre soutien à la liste républicaine de rassemblement démocrate portée par Laurence Fradj, #VivonsFréjus, avec comme Cheffe de file LaREM, Angélique Fernandes », peut-on lire dans un communiqué.
Une municipalité vitrine de la fin d’un tabou ?
En cette période de mutations du paysage pré élections, Nassima Barkallah n’est pas la première à avoir sauté le pas de cette forme de « normalisation ». Né en Corée du Sud et adopté par une famille française, le jeune député Joachim Son-Forget, transfuge anciennement LREM, a récemment affiché sa proximité avec Marion Maréchal tout en assurant maintenir son indépendance politique, « dans un cheminement ouvertement à droite ».
En 2014, David Rachline était tête de liste Front national lors des élections municipales à Fréjus, fief du parti. Au premier tour, il remporte 40,30 % des voix devant les listes de droite de Philippe Mougin (18,85 %) et d'Élie Brun (17,60 %), ainsi que devant la liste socialiste d'Elsa Di Meo (15,58 %). Au second tour, sa liste l'emporte avec 45,55 % des suffrages, devant celles de Philippe Mougin (30,43 %) et d'Élie Brun (24,01 %). Sa mère est aussi conseillère municipale de Fréjus, qui devient alors la ville la plus peuplée dirigée par un membre du RN.
Les journalistes Éric Farel, Maxime Fieschi et Mehdi Gherdane relèvent alors que « s'il a forgé son succès sur la priorité nationale, l'insécurité, et le refus du clientélisme, David Rachline a aussi mené une campagne propre et opportuniste ». Dans la course au fauteuil municipal, il a bénéficié d'un contexte favorable, aidé par un ancrage local bien réel, la présence aux affaires d'une municipalité défaillante et la division de la droite traditionnelle ». Après avoir piloté le volet web de la campagne présidentielle de Marine Le Pen de 2012, il est devenu son directeur de campagne en 2017, pour prendre ensuite la tête du pôle communication du RN.
Pour tenter de contrer ces divisions de la droite dite traditionnelle dans la région, LREM s'est cette fois rallié à la liste Les Républicains (LR) à Fréjus, dans le but de proposer une liste commune LR – LREM, mais dont la tête de liste sera LR.
La même année de son élection à Fréjus, Rachline est élu sénateur, devenant, à 26 ans, le benjamin du Sénat et une figure symbolique de la percée électorale du FN. Il démissionne de son mandat parlementaire en 2017 pour cumul des mandats. Il est le fils du militant socialiste Serge Rachline, dont les grands-parents juifs ont migré en France depuis l'Ukraine, et de Dominique Vandra.
David Rachline revendique sa non-judéité « selon les codes », expliquant ne pas être circoncis, ne pas avoir eu de Bar Mitzvah, son père étant quant à lui « juif non pratiquant ». Il se définit comme un « agnostique qui cherche ». Il part comme grand favori à sa propre succession.