Municipales : Les candidats d’origine maghrébine font un carton dans le 93
C’était en 2014. Pour la première fois, un candidat d’origine maghrébine, Azzeddine Taibi était élu maire dans une ville de Seine-Saint-Denis. Après Stains il y a six ans, ils sont aujourd’hui, à la faveur des élections municipales, trois maires d’origine maghrébine, avec Abdel Sadi à Bobigny et Karim Bouamrane à Saint-Ouen, à diriger une commune de ce département situé aux portes de Paris.
À Stains, dans ce bastion communiste de 40 000 habitants, Azzedine Taibi, 55 ans, candidat d’origine maghrébine du PCF, avait été élu de justesse en 2014 (50,3 %). Une première donc pour un candidat d’origine maghrébine en Seine-Saint-Denis. « C’est une victoire collective. Contrairement à ce qui est véhiculé, il est tout à fait possible de faire élire un maire qui peut avoir d’autres origines », déclarait alors à l’époque Azzedine Taïbi, refusant d’être « réduit » à ses origines. Il avait vu juste.
Six ans plus tard, en mars 2020, il est élu haut la main dès le premier tour, avec près de 58 % des voix, démontrant ainsi que ses origines maghrébines importaient peu au final aux yeux des habitants de la ville.
À Bobigny, ville de 54 000 habitants qui abrite la préfecture du département, c’est Abdel Sadi, qui a été élu ce dimanche 28 juin. « Cette victoire, c’est 26 ans de travail récompensé ! », s’est exclamé Abdel Sadi à l’annonce des résultats. Comme Azzedine Taibi, cet ancien maire adjoint à la Jeunesse, qui a grandi à La Courneuve avant de s’exiler à Bobigny, a un vieux passé de militant. Comme le maire de Stains, Abdel Sadi a également travaillé longtemps au service jeunesse de sa ville. Un long travail de terrain qui a fini par payer.
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Saint-Ouen est la troisième ville de Seine-Saint-Denis à avoir élu un candidat d’origine maghrébine. Karim Bouamrane, 47 ans, est un peu produit de la ville. Militant communiste aux côtés de l’ancienne maire Jacqueline Rouillon, il a lui aussi un vieux parcours de militant. En 2014, pour sa première élection municipale, il réalise 27 %, un score encourageant. Six ans plus tard, il l’emporte donc à Saint-Ouen, dans une triangulaire, arrivant en tête avec 38 %. « Le 28 juin est un jour historique pour toute une génération, pour notre ville. On a gagné. Merci à toutes et tous d’avoir rendu cela possible. Merci aux 4467 personnes qui se sont déplacées pour nous avoir permis d’écrire une nouvelle page de l’Histoire de notre ville », s’est exclamé, ému, le nouveau maire. À Saint-Ouen, dimanche 28 juin, jusque très tard dans la nuit, ils étaient nombreux à fêter la victoire de « cet enfant de la ville ».
Finie donc l’époque où les partis traditionnels de gauche comme de droite refusaient de placer en tête de liste un candidat maghrébin de peur de perdre l’élection.
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L’élection de ces trois maires, tous fils d’ouvriers, tous issus des quartiers populaires, tend à redonner espoir dans ces villes de banlieues qui subissent de plein fouet le phénomène de gentrification. Ces dernières décennies, fuyant l’immobilier inabordable de Paris, les classes moyennes supérieures et aisées se sont rabattues sur la petite couronne, suscitant souvent des basculements politiques. Quand les classes populaires encore majoritaires dans ces villes de banlieue se mobilisent, elles permettent encore l’élection de maires attachés aux services publics, aux principes de justice sociale, d’égalité, de fraternité et de solidarité.