Une centaine de députés demandent la régularisation des sans papiers
Plus d'une centaine de parlementaires français ont adressé une lettre au Premier ministre pour réclamer la régularisation des sans-papiers face à l'épidémie du Covid-19. M’Jid El Guerrab, député des Français de l’étranger (Maghreb et Afrique de l’Ouest) est l'un d'entre eux. Il nous explique pourquoi il est urgent de régulariser les sans-papiers.
Vous êtes de plus en plus de parlementaires à demander la régularisation des sans-papiers. Pourquoi ?
J’ai répondu à l’initiative de mon collègue François-Michel Lambert député écologiste des Bouches du Rhône, dont personne ne peut contester l’engagement et la sincérité politique. Nous étions trois au départ et nous voilà plusieurs centaines de parlementaires maintenant ! Il s’agit d’une mesure à la fois humaniste et pragmatique. En pleine crise sanitaire, ces femmes, ces enfants, ces hommes qui ont déjà bravé mille épreuves pour arriver jusqu’à notre pays, se trouvent dans une situation encore plus précaire.
De par leurs situations clandestines, beaucoup n’osent aller voir un médecin ou se rendre à l’hôpital pour se soigner. Or, il s’expose eux-mêmes à la maladie et risquent également de contribuer à sa propagation. Cela remet clairement en cause l’efficacité du confinement. Il s’agit donc d’une question vitale et à situation exceptionnelle, nous nous devons de prendre des mesures exceptionnelles. Le Portugal a déjà pris cette décision, et je n’imagine pas que la France ne puisse en faire autant.
Soit, nous sommes une nation parmi les grandes nations du monde, soit cela n’est juste que paroles et hypocrisie. Imaginez des peuples comme la Turquie qui sont confrontés à des millions de réfugiés sur leur territoire… C’est une épreuve de vérité pour les donneurs de leçons que nous sommes parfois face aux autres peuples du monde.
Vous êtes conscients que cette mesure si elle est accordée ne sera pas très populaire auprès de la population française.…
Je pense que la population française est bien plus ouverte et altruiste qu’on ne le pense. Il faut sortir de cette posture politicienne ! Avec ou sans cette mesure, les partis d’extrême-droite se nourriront toujours d’une certaine nostalgie nationaliste avec en arrière-fond complotisme et haine de l’autre. Le fameux :« Avant c’était mieux » ne changera pas avec ou sans régularisation. Ce n’est pas une telle mesure de bon sens qui va changer quoique ce soit à cet état de fait que la France connaît depuis des décennies ! Par ailleurs, il faut sortir de l’hypocrisie, les Français se rendent bien compte actuellement que les travailleurs étrangers, avec ou sans titre de séjour, sont en première ligne pour faire fonctionner notre pays. Dans les activités de ramassage et de tri des déchets, de nettoyage, de l’industrie textile, d’aide à la personne, d’agriculture ou de commerce, nous leur devons le fait que l’activité économique de notre pays ne se soit pas totalement arrêtée. Je ne parle même pas des modèles exceptionnelles que nous avons et des réussites économiques telles que celle de Mohend Altrad ! L’immigration est une chance si l’on s’en saisit de manière rationnelle, dépassionnée et maîtrisée. J’ajoute que la caricature que se fait une partie de la population des étrangers sans papiers, ne correspond pas du tout à la réalité vécue par ces personnes qui participent à l’effort national… même illégalement !
En quoi cette mesure est bénéfique pour la société française ?
Elle doit permettre de recenser les étrangers sans-papiers non-déclarés auprès des autorités, mais également leur permettre d’accéder aux soins, pour in fine se protéger et protéger ceux avec qui ils pourraient entrer en contact. Par ailleurs, il s’agit de répondre également à une certaine forme d’hypocrisie qui voudrait que l’on ait besoin de leurs compétences sans qu’on ne les régularise. Le cas de la préfecture de Seine et Marne qui a lancé un appel aux réfugiés vivant dans des centres d’hébergement pour venir en aide aux agriculteurs locaux est d’ailleurs assez symptomatique et révélateur.
Nous ne pouvons pas avoir la force de travail sans le travailleur qui va avec… Au lieu de leur dire : rentrez chez vous, il faut leur dire la vérité, la France a besoin de vous !
Que se passera-t-il pour ces sans papiers nouvellement régularisés une fois la crise sanitaire passée ?
Ils contribueront, comme ils le font déjà, à aider notre pays à se reconstruire, notamment dans des pans économiques totalement à l’arrêt. D’ailleurs, la régularisation des étrangers sans-papiers doit s’accompagner d’une autre décision forte : la fermeture des Centres de Rétentions Administratives (CRA). En effet, la fermeture des frontières ainsi que la mise à l’arrêt du trafic aérien privent les CRA de leurs justifications, d’autant que la promiscuité qui y règne peut être facteur de propagation du virus.
Soit l’on se dit que tout est différent, qu’il faut une révolution copernicienne, que la France doit s’appuyer sur toutes ces forces vives et que l’effort de reconstruction nationale doit être partagé par toutes et par tous, soit l’on prépare déjà le terrain à une nouvelle situation de blocage nationale et de récession économique grave