Migrants à expulser ou enfants à protéger ?
La loi « Asile et immigration » comportait déjà la création d’un fichier biométrique des mineurs non accompagnés, le gouvernement pourrait aller plus loin.
Aide à l'évaluation ?
Selon plusieurs associations d'aide aux personnes migrantes, les premiers éléments du projet de décret d'application de la loi « Asile et Immigration » ne sont pas de nature à les rassurer. Dans le viseur, un nouveau fichier appelé « Appui à l’Évaluation de la Minorité » (AEM), pour lequel les mineurs devront livrer nombre d'informations (Etat civil, adresse, filiation, date et conditions de l'arrivée en France…).
Une collecte d'informations à laquelle les jeunes isolés étrangers ne pourront se soustraire sous peine de voir ce refus interpréter « comme un aveu de majorité », entraînant la prise en charge par l'Aide sociale à l'enfance (ASE), mais de surcroît, une mesure d'éloignement.
Fiabilité
Le but de l'AEM serait d'aider à évaluer l'âge des jeunes isolés afin de déterminer la prise en charge, ou non, par l'ASE. Cependant, jusqu'ici ces évaluations, et notamment les conditions dans lesquelles elles sont effectuées, sont dénoncées comme étant peu fiables par les associations ayant recueilli de nombreux témoignages de ces entretiens d'évaluation.
De plus, des décisions de justice viennent confirmer cette fiabilité toute relative : « A Paris, en 2016 et 2017, la moitié des décisions administratives de non reconnaissance de minorité ont été infirmées par le juge qui a ordonné à l’aide sociale à l’enfance d’admettre ces enfants, qu’elle avait précédemment remis à la rue ».
Condamnés
L'an passé, dans l'Héraut, le collectif JUJIE rapportait les cas de d'une trentaine de jeunes isolés étrangers, accusés d’avoir utilisé de faux documents d’identité en vue de bénéficier de la protection de l’aide sociale à l’enfance et condamnés à des peines de prison ferme de trois à six mois.
Ce, après des évaluations dont la fiabilité a toujours été questionnée. Pour le JUJIE, ce système constaté dans l'Hérault, mais également en Haute-Garonne, dans les Pyrénées-Atlantiques ou l’Yonne, n'a qu'un seul but « Ces poursuites (…) sont symptomatiques d’une politique de dissuasion qui vise à limiter le nombre des mineurs isolés à prendre en charge au titre de la protection de l’enfance ».
Pour l'association France Terre d'Asile, le projet de décret, s'il devait être confirmé, serait un signe très négatif pour l'accueil des mineurs étrangers : « France terre d’asile s’inquiète vivement, s’il est confirmé, de ce détournement de la procédure d’accès à la protection de l’enfance, qui irait à l’encontre de l’intérêt supérieur de l’enfant et l’exercice de ses droits les plus fondamentaux ».