La France « championne d’Europe » de la rétention des étrangers
Plus d’enfermements, pas plus d’éloignements. Selon un rapport la politique de mise en rétention des étrangers se révèle peu efficace quand elle n’est pas illégale.
Championne d’Europe
47 000 placements en rétention en métropole et outre-mer (dont seulement 40 % suivis d’un éloignement), c’est le chiffre impressionnant que nous révèle le rapport 2017 sur les « Centres et locaux de rétention administrative » (paru le 3 juillet 2018). Avec un tel chiffre, la France est la « championne d’Europe » de l’enfermement.
Si le nombre de mises en rétention a augmenté, c’est également au détriment des droits des étrangers comme le souligne les associations à l’initiative de ce rapport (Cimade, France Terre d’Asile…) : « les violations des droits ont atteint un niveau inégalé depuis 2010. Ainsi, en métropole, 71 % des personnes libérées l’ont été par des juges ».
Droit d’asile ?
Autre chiffre clé concernant l’enfermement, 3000 personnes ont été placées en rétention par les préfectures du Pas-de-Calais, du Nord et de Paris en attendant leur éloignement vers des pays à risques dont la Syrie ou encore le Soudan.
Là encore, les droits des étrangers sont passés au second plan : « Alors que la Cour de cassation affirmait fin septembre que la rétention des demandeurs d’asile en procédure Dublin était illégale, plus de 700 d’entre eux ont été enfermés en CRA entre octobre et décembre 2017 ». Ce n’est qu’en mars dernier, qu’une loi a autorisé cette pratique jusque-là illégale.
Les enfants aussi
Toujours selon le rapport, en 2017, l’enfermement des enfants dans les centres de rétention métropolitains a bondi de 70 % par rapport à 2016, année lors de laquelle la France a été condamnée cinq fois par la Cour européenne des droits de l’Homme pour ces mêmes pratiques. Pour les organisations de soutien aux étrangers, les raisons souvent invoquées pour justifier l’enferment des enfants sont intolérables : « Il s’agissait pourtant essentiellement de placements évitables, visant à faciliter l’organisation logistique d’un éloignement souvent prévu au lendemain du placement en CRA ».
Un des points contestés de la loi « Asile et immigration » étant l’augmentation de la durée de l’enfermement, le rapport aurait tendance à montrer l’inefficacité d’une telle mesure : « les six associations signataires de ce rapport sont convaincues que la réforme entraînera une détérioration des conditions de rétention, exacerbera les tensions au sein des CRA et ne servira pas les objectifs du gouvernement ». Cet avis sera-t-il entendu ?
Charly Célinain