SOS MEDITERRANEE : Une attente intolérable
Ils sauvent des vies en mer Méditerranée mais ne peuvent les débarquer en Europe. Point sur la situation intenable du bateau de SOS MEDITERRANEE.
L’Ocean Viking (SOS MEDITERRANEE), à la dérive à environ 60 km entre la zone de sauvetage italienne et Malte, avec 356 rescapés à bord. L’Open Arms, bateau humanitaire bloqué au large de l’île de Lampedusa avec 107 rescapés à bord. Deux navires ayant sauvé des vies et une problématique : obtenir l’autorisation de débarqués les naufragés dans un lieu sûr de débarquement. François Thomas, président de SOS MEDITERRANEE, revient sur cette attente insoutenable.
Quelle est la situation de l’Ocean Viking aujourd’hui ?
Malheureusement, à l’heure où je vous parle, c’est toujours la même situation. Nous avons 356 rescapés à bord. Certains attendent depuis largement plus d’une semaine. Le navire attend qu’on nous indique un lieu sûr de débarquement. Les conditions météorologiques heureusement ne sont pas mauvaises. Mais cette attente est intolérable parce que ce sont des gens qui ont beaucoup souffert en Libye, qui pour certains ont passé plus de 48 heures en mer sur une embarcation pneumatique, qui ont risqué leur vie… Plus le temps passe, plus cette angoisse de l’incertitude devient difficile.
Est-ce que le fait qu’un deuxième bateau, l’Open Arms, soit dans cette situation, pourrait accélérer la recherche d’une solution ?
La situation de l’Open Arms est également dramatique. Il y a une partie des rescapés qui a été débarquée mais il en reste une centaine [107, ndlr]. Leur attente est encore plus longue que la nôtre. Pour ce que nous en savons, par la presse, la navire est à proximité de l’île de Lampedusa, donc les personnes voient la terre et simplement n’ont pas le droit de débarquer.
Il y a vraiment un désespoir terrible qui s’installe. Ils voient les plages mais ne savent pas du tout quel sera leur avenir. Le droit international est très clair, on doit trouver un lieu sûr de débarquement le plus rapidement possible après la récupération de naufragés. Et là, le droit n’est pas respecté. De plus, avec la chaleur qu’il peut y avoir sur un navire au mouillage, je pense que les conditions à bord sont excessivement difficiles. C’est un lieu d’hébergement très précaire, pour ce qu’on en a vu tout est problème, les normes sanitaires, les toilettes, les douches…
Encore une fois, ça touche beaucoup le moral. Avec tout ce qu’ils ont déjà soufferts, on peut imaginer qu’ils sont au bord du désespoir.
Qu’est-ce que SOS MEDITERRANEE peut faire pour débloquer cette situation ?
Nous avons opéré ces sauvetages, quatre sauvetages en zone internationale libyenne. Nous avons respecté toutes les procédures qu’il faut suivre en pareil cas. Les Libyens nous ont demandé de débarquer les rescapés à Tripoli, ce que nous avons refusé puisque ce n’est pas un lieu sûr. Maintenant il appartient aux autres Etats côtiers, et aux Etats européens, de coordonner le débarquement de nos rescapés. Il appartient à l’Europe de nous indiquer un lieu sûr de débarquement. Nous attendons.
L’espoir que nous avons eu, c’était la réunion de Paris du 22 juillet. Un certain nombre d’Etats de bonne volonté, dont la France et l’Allemagne qui sont moteurs, essaient de trouver une solution coordonnée pour ne pas que cette attente insupportable continue. Aujourd’hui, malheureusement, ce n’est pas fait. Nous savons qu’il y a une réunion prévue début septembre à Malte. C’est encore loin pour nous, bien sûr nous n’attendrons pas à ce moment-là. Les rescapés à bord, l’équipage, les personnels de SOS MEDITERRANEE, de Médecins sans frontière et nous, à terre, attendrons tous les jours que cette situation se débloque.
Nous imaginons qu’il y a des discussions entre certains états européens et l’Union Européenne. Nous avons vu que la France et d’autres pays sont prêts à accueillir des rescapés. Mais il n’empêche qu’il faut qu’on nous indique un lieu sûr de débarquement.