Rapport sur les effets pervers du règlement Dublin
Les effets du règlement Dublin sur les parcours des migrants en Europe, décryptés par un rapport de la Cimade paru hier (25 avril).
« Dubl'invisibilisation »
« Le règlement Dublin impose aux personnes qui demandent l’asile le pays d’examen de leur demande. Il s’agit le plus souvent de l’État responsable de leur entrée sur le territoire européen ». Une règle bien complexe qu'elle n'y paraît, faisant du parcours des migrants un véritable parcours du combattant. Désignés par le terme de « Dublinés », ces migrants sont ainsi renvoyés de pays en pays, quand ils ne sont pas simplement enfermés et quoiqu'il arrive, invisibilisés.
Le rapport de la Cimade « Règlement Dublin – La machine infernale de l’asile européen » dénonce les biais de ce règlement : « C’est pour contribuer à remédier à cette forme d’invisibilisation que ce rapport de La Cimade tente d’expliciter, notamment pour le grand public, les innombrables effets désastreux, souvent cumulés, du règlement Dublin sur les personnes » selon Jean-Claude Mas, secrétaire général de La Cimade.
Identification
Parmi les nombreux points développés dans ce rapport, un des points essentiels est celui concernant les « hotspots ». C'est le premier contact des migrants avec l'Europe, notamment en Grèce ou en Italie, et l'image est loin d'être idyllique. « L’approche hotspots, présentée par l’UE dès 2015, a pour objectif de renforcer les procédures d’identification, d’enregistrement et de prise d’empreintes des personnes migrantes » précise le rapport.
Ainsi, en Italie, de 30 000 empreintes relevées en 2016, on est passé plus de 169 000 aujourd'hui. Des prises d'empreintes pas toujours obtenues avec le consentement des intéressés : « Des pratiques de prises d’empreintes forcées sont documentées par Amnesty International 20 tandis que des exilés n’hésitent pas à se brûler les bouts des doigts pour brouiller leurs empreintes digitales et échapper ainsi à leur fichage », des situations extrêmes causées par le règlement Dublin.
Arsenal législatif
Selon le règlement Dublin, « la France a un délai de six mois pour renvoyer la personne, courant à partir de l’acceptation de l’État responsable. Si les autorités françaises n’ont pas expulsé la personne dublinée à l’issue de cette période, la France devient de facto l’État responsable de sa demande d’asile, sauf si la personne est déclarée « en fuite » ».
C'est pourquoi un véritable arsenal législatif a été développé afin de pouvoir tracer puis expulser les personnes dublinées.
Dans cet arsenal, l'assignation à domicile ou dans les centres d’hébergement, une pratique de plus en plus prisée : « Depuis 2015, les préfectures peuvent assigner à résidence dès le début de la procédure, c’est-à-dire avant même que l’État responsable ne soit formellement déterminé (…) Ces mesures connaissent depuis 2011 une augmentation exponentielle : de 373 mesures en 2011, elles sont passées à 2 998 en 2014, puis 4 687 en 2016 pour atteindre 8 791 en 2017 ».
Outre l'état des lieux de l'application du règlement Dublin, le rapport de La Cimade livre des conclusions et des recommandations à destination de la France et de l'Union européenne.