Près de 300 disparus au large de l’Égypte. Près de 3200 morts en mer depuis début 2016
Comme des centaines de milliers de personnes fuyant la pauvreté ou la guerre en 2016, Mohamed Metwali a voulu, à n'importe quel prix, tenter la traversée de la Méditerranée. « Il n'y a que moi qui ai survécu, et j'aurais préféré mourir avec eux ». Mohamed a vu sa femme et son fils couler lors du naufrage mercredi à 12 kilomètres des côtes égyptiennes d'un bateau de migrants en quête d'une vie meilleure en Europe.
163 rescapés sur environ 450 passagers
Ses proches sont morts et lui est hospitalisé à Rosette, où des menottes l'attachent à son lit, car il a été placé en rétention. Son embarcation de fortune, à destination de l'Italie, transportait environ 450 migrants, selon les témoignages de plusieurs rescapés. Si 163 personnes ont survécu au drame, au moins 42 sont mortes et des dizaines sont toujours portées disparues.
Mohamed s'était engagé auprès des passeurs à payer 5 000 euros, une fois arrivé en Italie. Là-bas, il était prêt à « travailler dans n'importe quoi ». Allongé près de M. Metwali, Badr Abdel Hafez pleure en silence. « Nous étions environ 400. J'étais avec ma femme et mes trois enfants. Ils sont tous morts », lâche dans un souffle le jeune homme de 28 ans.
Au commissariat voisin, plus de 150 rescapés, de jeunes hommes pour la plupart, étaient placés en rétention: en majorité des Égyptiens, mais aussi des Soudanais, des Somaliens et des Syriens. Allongée près de lui sur le sol, Soumaya, d'origine soudanaise, a payé 2 000 dollars pour rejoindre son mari en Europe. « Il y avait beaucoup de gens dans la chambre froide. Le bateau a chaviré, et ils se sont retrouvés coincés. Au moins 100 personnes », se souvient la jeune femme de 34 ans.
La route maritime au départ de l’Égypte vers la Grèce ou l’Italie est bien plus longue et donc plus dangereuse que celles passant par la Grèce ou la Libye. Elle s’est néanmoins développée ces dernières semaines en raison de la surveillance accrue sur les routes traditionnelles.
Toujours plus de contrôles, toujours plus de morts
Plus de 300 000 migrants et réfugiés ont traversé depuis le début de cette année la Méditerranée pour se rendre en Europe, principalement en Italie, selon le HCR. Et plus de 10 000 migrants ont perdu la vie en Méditerranée depuis 2014, dont au moins 3 200 depuis le début de 2016, d'après la même source, faisant de cette frontière la plus meurtrière du monde.
Des morts dus à la fermeture de l’Europe et à la militarisation croissante de ses frontières, dénonce la campagne Frontexit, qui milite pour une plus grande ouverture du continent aux demandeurs d’asile et aux migrants. Formée autour du réseau Euromed Rights et du collectif Migreurop, cette campagne pointe en particulier le cout croissant et l’inefficacité de l’agence Frontex qui a pour mandat la surveillance des frontières extérieures de l’Europe. Le mandat de cette dernière a d’ailleurs été récemment élargi par les eurodéputés malgré les appels répétés de nombreuses ONG dénonçant la hausse de la mortalité depuis plusieurs années.
« Frontex pourra désormais se déployer plus rapidement aux frontières extérieures de l’UE pour barrer la route à ceux qui tentent de les franchir. Cela ne fera qu’augmenter la dangerosité des voyages », s’alarment dans un communiqué les ONG membres de Frontexit. Elles dénoncent aussi la possibilité de débarquer des personnes interceptées dans un port désigné comme sûr, y compris dans des pays non européens, et ce, « au mépris des décisions de la Cour européenne des Droits de l’Homme et du principe de non-refoulement ».
Par ailleurs, « le nouveau mandat perpétue aussi une dilution des responsabilités entre les États membres et l’agence, qui a pour conséquence l’impunité de cette dernière » malgré sa mise en cause en 2016 pour un usage excessif et quasi systématique de la force. Dès lors, « les victimes des opérations de l’agence ne seront toujours pas en situation d’obtenir des réparations », s’indignent les auteurs du communiqué.
Rached Cherif