Pilotes volontaires : « Dans l’indifférence la plus totale » (partie 2)
Ces citoyens s'occupent de la surveillance aérienne de la Méditerranée, permettant de localiser et sauver les embarcations de migrants en difficulté.
José Benavente Fuentes et Benoît Micolon, les deux pilotes de l'association Pilotes volontaires, sont des citoyens qui ont décidé d'agir. Seulement, ils ont dû se fondre dans une organisation déjà bien définie. Entre les bateaux de sauvetage des ONG et le MRCC (Maritime Rescue Coordination Center) de Rome, les Pilotes volontaires doivent s'adapter. Benoît Micolon nous explique :
Comment se passe la relation de travail avec le MRCC de Rome ?
Jusqu'au milieu de l'été, notre interlocuteur référent était le MRCC de Rome, et les opérations de sauvetage étaient « relativement » organisées et professionnelles, malgré des moyens insuffisants au vue de la situation en mer.
La tendance à passer la main aux Libyens pour le sauvetage en mer est-elle une bonne chose ? Est-ce que ça change vos conditions de « travail » ?
Depuis quelques semaines, le MRCC de Rome s'est déchargé de la responsabilité d'organiser les opérations de secours dans cette partie de la Méditerranée, et c'est à présent le JRCC libyen qui est en charge.
Ils ne sont malheureusement pas en mesure de gérer l'organisation des secours en mer et même s'ils en avaient les moyens, leur pays n'offre malheureusement pas de ports sûrs pour les naufragés rescapés. Tout le monde connait la situation en Libye et tout le monde sait que ce pays traverse une crise majeure. Il suffit de se rendre sur les sites officiels des gouvernements des Etats membres de l'Union européenne, mais pas seulement, pour y constater que tous déconseillent fortement à leurs concitoyens de se rendre en Libye. N'oublions pas que les premières victimes de cette situation de chaos sont les populations libyennes elles-mêmes et forcément les personnes exilées en transit qui se retrouvent piégées dans ce pays.
Les contacts avec eux sont compliqués. Ils ne répondent que rarement à nos appels et ne parlent pas toujours anglais. Leur expérience et leurs moyens sont très limités. Les opérations de secours prennent parfois des heures. Pendant ce temps-là, des gens se noient, dans l'indifférence la plus totale.
De plus, ils contraignent souvent les bateaux portant secours aux personnes en détresse à enfreindre le droit maritime international, en les obligeants de débarquer les rescapés dans des ports qui ne sont pas sûrs, ce qui est illégal…
Cela m'écœure de savoir que les gens sauvés risquent de retourner dans l'enfer libyen. Je me dis que c'est toujours mieux que de mourir, mais ce n'est pas satisfaisant. Cette situation doit changer. Nous ne pourrons pas dire à nos enfants et nos petits-enfants que nous ne savions pas !
Quel est le budget des missions au-dessus de la Méditerranée et avez-vous d'autres financements que les donations ?
Une journée de mission coûte entre 1000 et 1500 euros. Cela comprend notamment le carburant et les frais d'entretien de l'avion et la logistique nécessaire à la mise en œuvre des missions.
Notre association fonctionne uniquement grâce aux dons privés. Pour cela, nous faisons appel à la générosité des citoyens qui veulent nous aider à sauver ces vols, en faisant un don, généralement déductible d'impôt, sur notre site www.pilotes-volontaires.org.
Quels sont vos objectifs pour la suite de ces missions au-dessus de la Méditerranée ?
Tant que des personnes perdront la vie en mer dans cette zone, nous souhaitons poursuivre les vols de repérage afin qu'ils puissent être secourus dans les plus bref délais et dans le strict respect du droit maritime international.
L'objectif est donc d'assurer une présence quotidienne même pendant l'hiver, ce qui sera possible que si l'on obtient les financements nécessaires. Nous aimerions également avoir un avion plus performant et surtout plus sûr pour nos équipages, car voler au dessus de l'eau pendant plus de 8 h à bord d'un petit avion monomoteur n'est pas sans risques. Et peut-être l'équiper de caméras thermiques afin d'augmenter nos chances de repérer des personnes en détresse. Cela a un coût bien sûr mais un coût dont nous ne pouvons pas faire l’économie. Continuer a tourner la tête et faire comme s'il ne se passait rien n’empêchera pas les départs et donc les décès en mer. Ceci n'est pas acceptable. C'est une infamie pour laquelle nous aurons un jour des comptes à rendre.