Migration : l’Italie juge deux navires de secours en Méditerranée « non conformes »

 Migration : l’Italie juge deux navires de secours en Méditerranée « non conformes »

Opération de sauvetage de migrants menée par SOS Méditerranée à bord de l’Aquarius au large des côtes libyennes. LAURIN SCHMID / SOS MEDITERRANEE / PICTURE ALLIANCE / DPA / 2016 / AFP

Alors qu’ils sont actuellement en opération en Méditerranée, le gouvernement italien a déclaré que les navires humanitaires Ocean Viking et l’Humanity 1 ne sont pas « conformes » aux règles se sécurité et de contrôle de la migration. Une décision qui intervient quelques jours à peine après la prise de fonction de la Première ministre post-fasciste Giorgia Meloni.

L’Ocean Viking et l’Humanity 1, naviguant actuellement en Méditerranée, ne sont pas « conformes à l’esprit des règles de sécurité et de contrôle des frontières et de lutte contre l’immigration clandestine », a décrété le ministre italien de l’Intérieur, Matteo Piantedosi. Les autorités précisent qu’elles ont également informé les ambassades des deux pays concernés, Norvège et Allemagne, dont les navires portent les pavillons. La décision est assortie d’une possibilité de décider l’interdiction d’accoster dans les ports italiens, qui est encore à l’étude.

Rome reproche aux deux navires humanitaires de mener leurs opérations « en toute autonomie et de manière systématique sans recevoir d’informations des autorités étatiques responsables des zones SAR ». En l’occurrence, ils opèrent essentiellement au large de la Libye et de Malte.

Or, les équipages n’informeraient les autorités compétentes « que lorsque les opérations sont en cours ». Une méthode qui est donc « conforme à l’esprit des règles », pour le gouvernement de Giogia Meloni. La première femme à la tête du gouvernement italien est aussi la première chef de gouvernement fasciste depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.

 

300 naufragés à bord et 1 400 personnes en détresse

La décision tombe alors que l’Ocean Viking et l’Humanity 1 se trouvent dans le détroit de Sicile avec, respectivement, 118 et 180 migrants secourus en mer. L’Ocean Viking, navire de l’association SOS Méditerranée a ainsi enchainé cinq opérations en quelques jours. Par ailleurs, selon l’ONG Alarm Phone, qui est à l’écoute des bateaux en détresse dans la zone, environ 1 400 personnes sont actuellement sur deux embarcations en difficulté parties de Libye.

Lire aussi >> Méditerranée : les sauvetages se multiplient en cette période estivale

Avec le décret du ministère de l’Intérieur, les bateaux humanitaires pourraient désormais faire l’objet d’arraisonnements en passant par l’Italie. Selon l’article 19 de la convention internationale des Nations unies sur le droit de la mer, que cite la directive, tout navire peut traverser les eaux territoriales d’un pays de manière inoffensive. Or, le passage est inoffensif « tant qu’il ne porte pas atteinte à la paix, au bon ordre et à la sécurité de l’État côtier ».

Ce n’est pas la première fois que l’Italie sabote les efforts des équipes associatives de secours en mer. Les ONG See-Watch, Médecins sans frontières ou même SOS Méditerranée ont déjà connu blocages et immobilisations de leurs navires. Le ministre de l’Intérieur d’extrême droite de Matteo Salvini (juin 2018 à septembre 2019) a ainsi multiplié les actions contre les navires humanitaires.

 

Viols et tortures en Libye

Les deux ONG qui affrètent les navires affirment pour le moment n’avoir reçu « aucune communication directe des autorités italiennes ». « Depuis des années, nous informons pas à pas les autorités compétentes sur les cas de détresse et sur toutes nos activités ; depuis des années, nous demandons à toutes les autorités compétentes de coordonner les secours. Demandes auxquelles elles ne répondent pas », a déclaré SOS Méditerranée aux médias italiens.

Ses positions envers les autorités libyennes ne font toutefois pas mystère. L’ONG a condamné de nombreuses fois les garde-côtes libyens ramenant de force les migrants vers les côtes africaines. Les témoignages de ceux qui sont passés par la Libye évoquent en effet des conditions inhumaines de détention, les enlèvements, la torture et les viols commis contre eux.

SOS Méditerranée a par ailleurs reçu il y a quelques jours le prix International Maritime Rescue Federation (IMRF). Le prix que décerne la Fédération internationale du sauvetage en mer récompense la « contribution exceptionnelle d’une équipe aux opérations de recherche et de sauvetage en mer ». « Comme promis, ce gouvernement entend faire respecter les règles et les frontières », a d’ailleurs salué celui qui est vice-Premier ministre et ministre des Infrastructures et de la Mobilité durable du gouvernement Meloni.