Migration : L’idylle tuniso-italienne reprend de plus belle
En visite éclair à Tunis où elle a signé trois nouveaux accords, la cheffe du gouvernement italien Giorgia Meloni a plaidé pour « une nouvelle approche » sur la migration. Une visite déjà controversée aux yeux d’une grande partie de la presse européenne.
Mais existe-t-il réellement une nouvelle doctrine migratoire derrière ces chaudes retrouvailles entre le président tunisien Saïed et Meloni avec qui les rapports s’étaient brusquement tendus récemment ?
Le moins que l’on puisse dire c’est que l’opinion et les médias européens sont aussi incrédules que sceptiques. Pour Le Point notamment, qui titrait aujourd’hui sans détour : « Giorgia Meloni délocalise les européennes en Tunisie », la presse française tout comme une partie de la presse italienne ne se font pas d’illusions quant à la portée électoraliste du déplacement de la numéro 1 de l’exécutif italien en ce timing précis, pour un deuxième round d’accords à Carthage, le premier n’ayant pas été fort concluant en 2023, malgré les sourires affichés aujourd’hui.
Nouveau credo, mais lequel au juste ?
Ainsi la Première ministre italienne Giorgia Meloni a plaidé en ce mercredi pour une « nouvelle approche » à l’égard de l’Afrique, sur le dossier migratoire, lors de sa visite en Tunisie qui reste le principal point de départ de migrants clandestins vers l’Europe. Meloni, qui effectuait rappelons-le sa quatrième visite dans le pays en moins d’un an, a remercié le président tunisien Kais Saied « pour le travail que nous menons ensemble dans la lutte contre les trafiquants d’êtres humains », dans une déclaration vidéo.
Concédant à Kais Saied que « la Tunisie ne peut pas être un pays d’arrivée pour les migrants » du reste de l’Afrique, elle s’est engagée à « impliquer les organisations internationales pour travailler sur les rapatriements » vers les pays d’origine. La lutte contre l’immigration clandestine « nécessite du développement pour les pays africains, des investissements. L’Italie cherche à faire avancer cette nouvelle approche au niveau européen », a-t-elle promis.
Ce déplacement de Meloni en Tunisie survient surtout à moins de deux mois d’élections européennes où le dossier migratoire fait déjà l’objet de débats houleux tant à Rome qu’à Bruxelles. Dans un communiqué de la présidence, Saied a martelé une nouvelle fois son refus que la Tunisie devienne « un pays de transit ou d’installation » des migrants d’autres pays d’Afrique. « En tant qu’Etat de droit, la Tunisie ne peut pas accepter une situation d’illégalité sur son territoire », a-t-il ajouté en guise de lapalissade plus facile à dire qu’à faire appliquer.
Or, pour Rome, « il reste fondamental que les autorités tunisiennes poursuivent leur action de lutte contre le trafic et la traite d’êtres humains et pour contenir les départs illégaux » de migrants, a fait savoir l’entourage de la Première ministre, laissant transparaître une certaine irritation et une impatience à voir les résultats d’accords précédents.
Trois accords inédits
Sous l’impulsion de la cheffe de gouvernement, l’Union européenne avait en effet conclu un accord avec Tunis prévoyant des aides financières en contrepartie d’efforts accrus pour réduire les départs de migrants. Mais les interceptions en hausse ont coïncidé également avec une augmentation elle aussi en hausse du nombre d’arrivées sur les côtes italiennes.
Le mémorandum signé l’an dernier à la mi-juillet a suscité des critiques acerbes : le Parlement européen a voté mi-mars une résolution pour contester les conditions du décaissement par Bruxelles de 150 millions d’euros d’appui budgétaire à Tunis en dénonçant « une détérioration de l’Etat de droit en Tunisie ». L’UE a aussi commencé à verser 105 millions d’aide pour lutter contre l’immigration irrégulière, dont une partie a été refusée par Carthage.
Si pour l’opposition tunisienne le pouvoir se fait volontiers « le gardien des frontières de l’Europe », aujourd’hui la cérémonie de signature de trois accords entre les deux pays fut entourée d’une part d’opacité. Peu de choses ont été communiquées aux médias hormis le fait que le premier accord concerne « le soutien de l’Italie au budget de l’État tunisien », que le deuxième accord porte sur l’octroi d’une ligne de crédit en faveur des PME tunisiennes, et que le troisième accord a été signé entre le ministère de l’Université et de la Recherche italien et le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique tunisien. Pas de lien direct donc, en apparence, avec le dossier migratoire, même s’il est difficile de ne pas y voir une relation intéressée.