La Tunisie craint des arrivées massives avec le début de la « haute saison » migratoire

 La Tunisie craint des arrivées massives avec le début de la « haute saison » migratoire

Le printemps voit habituellement une recrudescence du nombre de départs de migrants et donc de naufrage en Méditerranée. (Illustration)


Avec l’arrivée des beaux jours, les pays voisins de la Libye craignent une explosion du nombre de départs de navires de migrants tentant de traverser la Méditerranée. Les premiers mois de 2015 ont été marqués par un record du nombre d’arrivées de migrants irréguliers sur les côtes européennes, mais aussi par un record de disparus en mer. 


 


La Tunisie en première ligne


Jumelles à la main, Islam Braïek, marin sur un patrouilleur, scrute les eaux à la recherche de migrants en détresse, de plus en plus nombreux avec le beau temps à être secourus par des garde-côtes tunisiens en manque de moyens. « Des corps de migrants décomposés flottant dans l’eau, nous en avons vu beaucoup depuis la guerre en Libye et je pense qu’il y en aura bien d’autres », lâche le chef de la patrouille, le lieutenant Mosaad Abichou.


Selon Tahar Cheniti, secrétaire général du Croissant-Rouge tunisien, une embarcation chargée de migrants arrive en Tunisie « un jour sur deux ». C’est en effet « le début de la haute saison » de l’émigration irrégulière, explique-t-il à la radio Express FM. « Avec le temps qui s’améliore (…), la mer est plus calme et ça encourage » hommes, femmes et enfants à tenter leur chance.


Souvent, ce sont des pêcheurs qui repèrent une embarcation à la dérive avant de secourir ses passagers ou de faire appel à la marine. « On voit des cas qui font mal au cœur », témoigne Mohamed Belhiba, le propriétaire d’un chalutier qui a sauvé 32 personnes fin avril. Alors, « nous sauvons des gens, nous les ramenons à Zarzis. Mais ça entrave notre travail et nous prenons beaucoup de risques ».


 


La générosité des riverains pour pallier le manque d’infrastructures


À terre aussi, la situation est difficile. Le seul centre d’accueil officiel se trouve à Ben Guerdane (sud-est) et il est fermé pour réparations, explique Riadh Belhaj, président du bureau régional du Croissant-Rouge à Zarzis. À cause des moyens limités, « nous ne saurions pas quoi faire si nous devions accueillir d’autres migrants », ajoute-t-il.


Le Croissant-Rouge tente donc tant bien que mal de prendre en charge les rescapés, en comptant parfois sur la générosité de riverains fournissant nourriture et vêtements. Près du centre-ville de Zarzis, une construction inachevée a été transformée en centre de fortune par le Croissant-Rouge. Une quarantaine de Maliens et de Nigérians y passent leurs journées sur des couvertures usées.


Par ailleurs, en l’absence d’une loi sur l’asile, dont le projet de loi tarde à être soumis à l’Assemblée des représentants par le gouvernement, ces migrants se retrouvent dans un vide juridique en Tunisie.


 


« Je préfère être emprisonné en Italie qu’être libre au Nigeria »


« Nous essayons de convaincre (les rescapés) que la solution, c’est de regagner leur pays », dit M. Cheniti. Mais « on ne peut pas les forcer à rentrer chez eux ». Certains acceptent, comme Gary Yari. Au bout d’une longue discussion avec un agent de l’Organisation internationale pour les migrations, cet adolescent de 16 ans, secouru alors qu’il tentait de rallier l’île italienne de Lampedusa, signe à contrecœur les papiers pour son retour au Mali.


Au téléphone, son père l’encourageait pourtant à rester en Tunisie et à retenter la périlleuse traversée vers l’Europe. « Je veux toujours vivre en Europe. Je n’ai pas réussi cette fois, mais j’ai le temps de réessayer », affirme Gary.


Car bien qu’ayant frôlé la mort, beaucoup de migrants ne parlent que de reprendre la mer et nombreux sont ceux qui, même sans papiers, travaillent pour tenter de rassembler de quoi financer une nouvelle tentative. « Je préfère être emprisonné en Italie qu’être libre au Nigeria », affirme Mohamed Eddy en faisant la queue pour remplir son assiette d’un plat aux lentilles apporté par un habitant de Zarzis.


Rached Cherif


(Avec AFP)