L’Italie ordonne la saisie de navires humanitaires en raison de « vêtements contaminés par le VIH »
Les autorités italiennes ont demandé la saisie de l’Aquarius, navire humanitaire de l’ONG SOS Méditerranée, ainsi que Voce Prudence de MSF, en expliquant que certains vêtements portés par les migrants secourus en mer ont pu être contaminés par le VIH (virus responsable du SIDA), la méningite et la tuberculose. L’équipage est notamment accusé de ne pas avoir déclaré ces vieux vêtements comme « déchets toxiques ».
« Si l’Aquarius venait à accoster en Italie, il serait immédiatement mis sous séquestre », a averti le parquet de Catane en Sicile. Le navire affrété par SOS Méditerranée et Médecins sans frontières (MSF) mène depuis plusieurs mois un bras de fer avec les autorités italiennes et maltaises hostiles à sa mission de secours des migrants en Méditerranée. « J’ai bien fait de fermer les ports italiens aux ONG », a twitté laconiquement le ministre italien d’extrême droite et numéro deux du gouvernement, Matteo Salvini, juste après l’annonce.
Par ailleurs 24 personnes sont concernées par la même enquête ouverte pour « trafic et gestion illégale de déchets », dont le capitaine de l’Aquarius, Evgenii Talanin, et de la directrice adjointe du bureau italien de Médecins sans frontières Michele Trainiti. Ils sont notamment accusés d’avoir contourné la réglementation en matière de déchets toxiques pour éviter de payer pour leur destruction.
Le procureur de Catane a ainsi infligé une amende de 460 000 € et a gelé certains des comptes bancaires de l’ONG en Italie. Les allégations contre l’équipage de l’Aquarius sont « disproportionnées et fantaisistes, visant uniquement à criminaliser davantage leur mission de sauvetage médico-humanitaire en mer », a réagi MSF dans un communiqué diffusé ce mardi. « Cette dernière tentative en date des autorités italiennes de mettre fin à tout prix aux opérations de secours en mer est sinistre », a ajouté Karline Kleijer, responsable des opérations d’urgences de MSF.
Au total, ce sont 24 tonnes de déchets qui sont concernées par cette procédure. « Les vêtements ne peuvent absolument pas et non jamais été transmetteurs du VIH », a réagi dans les colonnes du Gardian Deborah Gold, responsable du National AIDS Trust, une organisation d’aide aux personnes atteintes du SIDA. « Ceci aurait déjà été ridicule en tant que désinformation dans les années 1980, alors que dire en 2018 ? Les migrants et demandeurs d’asile ont historiquement été la cible d’attaques utilisant les préjugés sur le VIH et la transmission de maladie. Nous devons le condamner, parce que cela stigmatise à la fois les malades du SIDA et les migrants », a-t-elle ajouté.
2 000 morts en Méditerranée en 10 mois
L’Aquarius a secouru plus de 27 000 personnes entre début 2016 et l’été 2018, mais a été confronté des difficultés croissantes pour débarquer les naufragés dans les ports européens. Sous la pression italienne, le Panama a fini par retirer son pavillon au navire début octobre. Celui-ci est bloqué depuis à Marseille dans l’attente de retrouver un pavillon de navigation et de reprendre la mer.
L’annonce de la demande de mise sous séquestre du navire intervient alors que les associations affrétant l’Aquarius ont annoncé se préparer à reprendre la mer avoir obtenu un pavillon de navigation, sans en préciser le pays. Selon certains acteurs humanitaires, il pourrait s’agir de la Suisse. La décision du parquet sicilien pourrait donc compliquer la mission de secours en empêchant le navire d’accoster dans les ports italiens, qui sont les « ports sûrs » les plus proches des zones d’opération et donc ceux où les naufragés devraient être débarqués selon le droit maritime international.
Si le nombre de disparus en Méditerranée a baissé l’année passée, la proportion de morts par arrivée a fortement augmenté ces derniers mois. Selon l’Organisation internationale des migrations, environ 21 000 personnes sont arrivées en Europe et plus de 2 000 ont péri en mer.
Rached Cherif
