Etrangers : Justice par visioconférence dans un commissariat

 Etrangers : Justice par visioconférence dans un commissariat

JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP


Audiences délocalisées et visioconférences, les observateurs s'inquiètent de cette justice d'exception pour les étrangers.


Légalité ?


« La justice, pour être légitime, ne saurait se tenir dans un commissariat de police. Aucun argument budgétaire ne saurait justifier qu’une personne soit jugée par le truchement d’une caméra à l’intérieur d’une enceinte policière » s'indignent l'Anafé et l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE).


Depuis début octobre, ce sont dans les locaux du commissariat d'Hendaye, via la visioconférence, que la cour d’appel de Pau organise des audiences avec les personnes enfermées dans le centre de rétention administrative (CRA) d’Hendaye, jouxtant le commissariat.


Si l'un des principaux arguments de cette délocalisation est l'économie des escortes policières, les organisations rappellent que ce dispositif pose question en termes de légalité, parlant de « violation des principes les plus essentiels régissant les débats judiciaires dans un État de droit ».


Limites


Un juge dans une pièce, une personne qui comparait dans une autre. Outre le fait que les audiences, pour les personnes enfermées dans les CRA, aient lieu dans un commissariat (dépendant du ministère de l'Intérieur et non du ministère de la Justice), l'Anafé et de l’Observatoire de l’enfermement des étrangers (OEE) posent la question de la place de l'avocat.


Celui-ci aura « à faire le choix cornélien de se tenir soit auprès des requérants  au risque de voir l’audience lui échapper, soit auprès des juges et des représentants de la préfecture, au risque de laisser la personne défendue livrée à elle-même » relèvent les organisations.


Public


Concernant les salles d'audience délocalisées, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, émettait un avis négatif dans un communiqué datant d'octobre 2017. Ce dernier adressait ses recommandations à Nicole Belloubet, ministre de la Justice, garde des Sceaux, et Gérard Collomb, ministre de l’Intérieur :


« Le Défenseur des droits estime que le droit à une juridiction indépendante et impartiale, la publicité des débats judiciaires et les droits de la défense sont susceptibles d’être gravement compromis par le dispositif procédural actuel (…) ».


Recommandation qui n'aura pas suffi à empêcher des audiences délocalisées et en visioconférence, dès fin 2017 à Toulouse et Bastia mais également en ce début d'octobre à Pau…