Meloni attendue à Tunis le 17 avril, sur fond de tensions migratoires
La cheffe du gouvernement italien, Giorgia Meloni, est attendue ce mercredi 17 avril pour une quatrième visite en moins d’un an en Tunisie. A l’ordre du jour, principalement l’incontournable et épineux dossier de l’immigration. La présidence tunisienne a d’ores et déjà rendu public un communiqué qui laisse entendre qu’elle ne compte pas se faire dicter sa loi.
Vendredi soir, en convoquant son ministre des Affaires étrangères à Carthage, le président de la République Kais Saïed a semble-t-il voulu devancer la visite en question, en tenant à rappeler dans un communiqué « la nécessité de traiter avec toute autre partie sur un même pied d’égalité »… Le Palais annonce la couleur en renchérissant : « nous ne transigerons pas avec les fondamentaux de la diplomatie tunisienne : l’indépendance dans la prise de décision doit refléter la volonté populaire et l’opposition à toute ingérence dans les affaires intérieures ».
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Pour qui connaît le mode de communication tout en ellipses et en allusions du président Saïed, il s’agit là d’autant de messages adressés d’avance à son hôte. Le temps de l’entente cordiale et des poignées de main appuyées tout sourire apparaît bien loin en effet depuis que des brouilles sont venues entacher l’alliance tuniso-italienne. Mais pouvait-il en être autrement de l’évolution d’un axe Tunis – Rome basé certes sur une idéologie droitière commune, mais des agendas ambigus et des intérêts divergents déguisés en bienveillance mutuelle ?
Sfax demeure un « hub » migratoire
En 2023, la Tunisie a en réalité consolidé son statut de principal point de départ des migrants vers l’Union européenne. Car malgré les efforts sécuritaires et financiers des deux rives de la Méditerranée, le pays reste une plateforme migratoire, comme en atteste la reprise récente des heurts passés sous silence par les autorités tunisiennes entre la Garde nationale et les migrants subsahariens candidats au départ cette semaine encore à El Amra, petite localité de Sfax.
Après une baisse ostensible ces derniers mois, les embarcations repartent de plus belle avec l’amélioration des conditions météo et inquiètent l’Italie : plus de huit mille en trois semaines, selon les chiffres officiels, d’où la visite de Meloni, que l’on dit particulièrement mécontente, à deux mois des élections européennes de surcroît.
Une recrudescence si significative que les chercheurs Hamza Meddeb et Fakhreddine Louati y consacraient, fin mars, un étude intitulée « La transformation de la Tunisie en une plaque tournante du transit : migration illégale et dilemmes politiques », publiée par le Carnegie Middle East Center.
Entrée en fonction en octobre 2022, Giorgia Meloni entend ainsi démontrer qu’elle fait du dossier de l’immigration illégale figure toujours parmi ses priorités malgré de maigres résultats du point de vue de son électorat, n’hésitant pas à s’impliquer personnellement pour se déplacer à Tunis et rappeler qu’elle doit tenir ses frontières.
A Bruxelles, le pacte migratoire européen dans sa dernière ligne droite
Autre contexte de la visite de Meloni, la vaste réforme de la politique migratoire européenne qui compte durcir le contrôle des arrivées de migrants dans l’UE et prévoit par conséquent un système de solidarité entre Etats membres dans l’accueil des demandeurs d’asile, soumise au vote final des eurodéputés, ce qui ouvre la voie à l’approbation finale des États membres attendue pour fin avril.
Au programme, cinq textes clés du Pacte qui ont fait l’objet d’un compromis entre le Parlement européen et le Conseil européen : la gestion de l’asile et de la migration, redéfinition de la situation de crise et de la force majeure, mise à jour de la base de données Eurodac, filtrage et procédure d’asile commune, ainsi que le nouveau cadre de l’UE pour la « réinstallation » ou la « relocalisation ».
L’UE fait face à une hausse des demandes d’asile, qui ont atteint 1,14 million en 2023, soit leur plus haut niveau depuis 2016, selon l’Agence européenne pour l’asile, tandis que les entrées « irrégulières » dans l’UE sont également en augmentation, à 380.000 en 2023, selon l’agence Frontex.