Migration : Des canons pour enrayer le flux de migrants en détresse
Un mois après un naufrage dramatique, l'Union européenne va mettre sur pied lundi une opération navale pour « casser » l'activité des trafiquants qui exploitent la détresse des migrants prêts à tout pour traverser la Méditerranée à destination de l'Europe. Au grand dam de la société civile, les dirigeants européens n’ont montré aucune volonté de réformer la politique migratoire de l’UE pour faciliter l’accès à son territoire des demandeurs d’asile.
Empêcher les migrants de quitter les côtes libyennes
Cette mission sans précédent va impliquer le déploiement de bâtiments de guerre et d'avions de surveillance des armées européennes au large de la Libye, devenue la plate-forme majeure du trafic. Le lancement de l’opération, qui requiert également un feu vert de l’ONU, doit être formellement décidé ce lundi par les 28 ministres des Affaires étrangères de l'UE après une réunion avec leurs homologues de la Défense.
Le drame qui a ému toute l'Europe et a poussé ses dirigeants à agir est survenu dans la nuit du 18 au 19 avril. Il a coûté la vie à 800 personnes dont une majorité était enfermée dans la cale d'un chalutier qui a chaviré au large de la Libye. En tout, environ 1500 personnes ont perdu la vie depuis le début de l’année en tentant de traverser la Méditerranée, un record.
Réunis en urgence le 23 avril, les dirigeants de l'UE ont demandé une opération pour « capturer et détruire les embarcations » des passeurs venant de Libye avant qu'elles ne soient utilisées. Ils ont également décidé de renforcer les moyens de Triton et Poséidon, deux missions de surveillance et de sauvetage en Méditerranée confiées à Frontex, la controversée agence chargée des frontières extérieures.
« Des ponts, pas des murs », réclame le monde associatif
Cette mission navale est unanimement dénoncée par les ONG. Selon ses détracteurs, elle va seulement déplacer les routes empruntées par les passeurs. Même le procureur sicilien Giovanni Salvi, en première ligne contre les passeurs, est sceptique : détruire les bateaux des pêcheurs libyens risque de dresser la population contre les Européens, a-t-il mis en garde.
Dans une tribune, une centaine d’organisations euro-méditerranéennes de défense des droits humains ont appelé l’Europe « à ouvrir des voies d’accès au territoire européen pour les personnes migrantes et réfugiées, dans le respect du droit international et européen » et à mettre en place « un mécanisme d’accueil des personnes migrantes et réfugiées sur la base de la solidarité entre États membres », prévu par le droit européen.
Un appel qui a toutes les chances de ne pas trouver d’échos dans les capitales européennes. Paris, Londres, Berlin, Rome et Madrid ont déjà promis de fournir des navires. La Pologne et la Slovénie engageraient des avions de surveillance ou des hélicoptères, selon des sources diplomatiques.
Mais, pas question de mener des opérations militaires en territoire libyen, a assuré Federica Mogherini, la chef de la diplomatie européenne. La mission consiste à traquer les bateaux utilisés par les passeurs armés pour tracter jusqu'en haute mer les embarcations chargées de centaines de migrants et à empêcher la récupération de ces embarcations lorsque les passagers ont été secourus.
Rached Cherif