L’Europe vers un Frontex « nouvelle génération » ?
Le 18 avril 2015, près de 800 migrants mouraient en mer Méditerranée, suscitant une vive émotion dans toute l'Europe. En ce début 2016, l'émotion et l'empathie semblent bien loin. Après l'accord entre l'Union européenne et la Turquie pour la reconduite aux frontières des migrants, le Vieux continent travaille sur la création, d’ici août 2016, d'une nouvelle agence de contrôle de la Méditerranée, une sorte de Frontex « nouvelle génération », encore plus sécuritaire que l'ancienne version…
Toujours plus sécuritaire
Chargée de la gestion du contrôle aux frontières extérieures, depuis 2004 l'agence Frontex n'a cessé de voir évoluer son budget (multiplié par 13 en dix ans) mais aussi ses missions prioritaires qui sont devenus des objectifs sécuritaires. Pour intercepter des familles tentant de fuir la guerre, la nouvelle agence qui devrait succéder à Frontex sera dotée demoyens « quasi-militaires (satellites, radars, hélicoptères, possibilité d’usage de drones), sans quasiment aucun contrôle… » comme l'expliquent les membres de de la campagne Frontexit. Plus de sécuritaire, toujours pas de contrôle, Frontex était déjà quasi-intouchable : « Seules des procédures administratives internes pourront être engagées contre les officiers Frontex. La responsabilité juridique de l’agence ne peut donc être engagée devant une instance indépendante, malgré des cas avérés de violations des droits ».
Risques terroristes et discrimination
Suite aux attentats de Paris, en novembre dernier, dans une euphorie sécuritaire, le Conseil de l'UE « annonçait que Frontex contribuerait à la lutte anti-terroriste sans plus de détails ». Une façon de stigmatiser davantage les personnes migrantes face à une opinion publique traumatisée. Avec le « nouveau Frontex », l'UE va un peu plus loin : « Le pas est définitivement franchi avec le nouveau mandat proposé, qui permettra à l’agence de récolter des données personnelles de personnes soupçonnées de participer à des activités terroristes » selon les membres de la campagne Frontexit. Afin d'aider les Etats à gérer la migration irrégulière, Frontex pouvait déjà « signer des accords "techniques" avec des pays hors UE ». L'agence devant succéder à Frontex bénéficierait d'un nouveau mandat permettant de lui « faciliter les expulsions de personnes faisant l’objet d'une obligation de quitter le territoire, émise par un Etat signataire de la Convention européenne des droits de l'homme ». Ce qui renforce encore un peu plus la logique de l'accord entre l'UE et la Turquie, où les conditions d'accueil des migrants sont plus que déplorables…
Les perspectives d'un accueil dans la dignité des personnes fuyant la guerre et la pauvreté s'amenuisent face à la froide réalité sécuritaire des portes de l'Europe.
F. Duhamel