Mourad Zeghidi, l’Italien de Canal +

 Mourad Zeghidi, l’Italien de Canal +

Mourad Zeghidi a soutenu le Pôle Démocratique Moderniste lors des élections tunisiennes.


Journaliste sportif depuis 1992, Mourad a décidé cette année de soutenir le PDM lors des élections tunisiennes. Entre football et politique, retour sur le parcours d’un Tunisien devenu la voix du football italien sur la chaîne cryptée.


Né à Tunis, Mourad Zeghidi est un « pur produit de l’école publique tunisienne » comme il aime le rappeler. Très jeune, il s’intéresse aux langues étrangères. « La langue véhicule l’oxygène d’une société ».


Bilingue parfait après des études littéraires au lycée, il se tourne vers l’Italien, une évidence. « Comme tous les Tunisiens, nous avons grandi au son de Raï Uno, la chaîne italienne ».


Après avoir terminé des études de juriste, « un moyen de structurer ma pensée », il est « happé par la télé ». En 1992, il participe à un casting pour canal horizon. Le 10 novembre, il présente « Sport Horizon » pour la première fois. Une superbe vitrine qui va vite se révéler à double tranchant.


En 1999, le gendre du président Ben Ali, « un personnage véreux », est président de l’Espérance de Tunis. Les relations avec Mourad sont tendues, en octobre, il se rend au centre d’entraînement du club. « Quelques énergumènes envoyées par le président sont arrivées vers moi et m’ont tabassé ».


Canal Horizon préfère fermer les yeux. « Le directeur de la chaîne a fait parvenir un courrier à l’ensemble de la rédaction : « celui qui traitera désormais de l’Espérance devra prendre ses responsabilités ». Pour Mourad Zeghidi, c’en est trop ; en 2000, il part pour devenir responsable du sport sur le continent africain pour le groupe Canal.


Une brouille avec Vieira


En Juillet 2002, Mourad Zeghidi rejoint le service des sports de canal + à Paris. À son arrivée, il débarque avec l’étiquette de débutant, « un statut d’anonyme pas facile à gérer ».


Avoir fait sa carrière hors des frontières le pénalise et ses origines n’aident pas : « Je n’ai jamais senti de discrimination, mais j’avais moins le droit à l’erreur que les autres ».


Ses deux premières années sont difficiles, mais « elles m’ont forgé le caractère ». Une personne l’a particulièrement soutenu, « Hervé Mathoux m’a toujours conseillé de manière bienveillante, je lui dois beaucoup ».


En 2007, il devient responsable de la rubrique Italie : « La reconnaissance de mon travail ». Durant ces années, il interviewe les plus grands, de Maldini à Trézeguet en passant par Shevtchenko.


En 2008, Patrick Vieira fait son retour avec l’équipe de France pour un match à Saint-Denis face à l’Uruguay. Il ne joue qu’une mi-temps, se loupe complètement et récolte la note de 2 le lendemain dans le journal « l’équipe ».


Le samedi qui suit, son club, l’Inter, joue contre la Juventus. À la fin du match, en zone mixte, il s’arrête au micro de Mourad et fait part de sa déception de ne pas voir joué. Le journaliste lui demande : « Vous devez être d’autant plus déçu de vous être réservé lors de France-Uruguay ? », le joueur fait un signe de la main et part en pleine interview.


« Après cet incident, Vieira a refusé de me parler pendant 1 an et demi ». Un événement presque banal: « Les ¾ des joueurs ont un esprit de cour, ce sont des monarques déguisés en multinationale ».


L’engagement pour son pays


Depuis le début de l’année, il suit le « PSG nouveau » pour la chaîne. Il a aussi décidé de soutenir un parti politique lors des élections en Tunisie, le Pôle Démocratique Moderniste (PDM).


Sur le vote, Mourad Zeghidi ne polémique pas : « Le peuple a parlé, on n’a pas à juger le résultat des élections ». Même s’il ne partage pas leurs idées, il ne dira pas de mal du parti Ennahdha : « Je respecte tout ceux qui ont voté pour eux » et il s’agace devant les critiques des journalistes étrangers, « J’ai trouvé certains jugements hâtifs, simplistes et dénués de profondeur ».


Il refuse l’affrontement permanent et appelle au consensus, « le pays a besoin de valeurs communes qui nous rapprochent ». Le renouveau de la Tunisie, il y croit dur comme fer.


La solidarité dont ont fait preuve tous les Tunisiens « face aux milices de Ben Ali dans les premiers jours qui ont suivi la chute de l'ex président », l’aide apportée « aux centaines de milliers de refugiés de toute nationalité qui ont fui les combats en Libye et qui ont été accueillis dans le Camp de Ras Jdir » par « des gens qui n’avaient parfois rien » lui ont serré le cœur. «Fier», il garde un « pont sentimental et affectif entre la Tunisie et la France », un lien très fort qui lui donne envie d’être « acteur » pour l’avenir de son pays.


Jonathan Ardines