Marie-Anne Bernard : « On a fait des progrès, mais beaucoup reste à faire »

 Marie-Anne Bernard : « On a fait des progrès, mais beaucoup reste à faire »

crédit photo : Fred Carol / France 3


Selon la directrice Responsabilité sociale et environnementale (RSE) de France Télévisions, “les places sont chères au sein du groupe, car ce sont toujours les mêmes qui les occupent”. Mais une nouvelle dynamique s’amorce


Le baromètre du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) pointe systématiquement la sous-représentation de certaines catégories de population…


En regardant les visages des journalistes, animateurs ou personnages de fictions, on constate qu’on a progressé, mais beaucoup reste à faire. Où sont par exemple les experts issus des minorités visibles invités sur les plateaux ? Notre guide “Expertise Plus”, un outil qui recense une centaine de noms par métier et par discipline, permet d’alimenter en profils divers des rédactions sensibilisées à la question. La différence me paraît déjà sensible sur France Info, en particulier grâce à la variété des invités.


 


Qu’en est-il pour les animateurs et journalistes ?


Ça change un peu. Une nouvelle chaîne comme France Info donne un coup de jeune en matière de générations, en recrutant des profils diversifiés, à l’instar de Djamel Mazi ou Sorya Khaldoun. En revanche, du côté des chaînes premium, il reste un gros travail à mener pour renouveler les visages. Sur France 5, la directrice exécutive Nathalie Darrigrand a confié la présentation de l’émission C Politique à Karim Rissouli parce que c’est un formidable journaliste. Mais la seule nouveauté de France 2 en la matière, c’est Leïla Kaddour-Boudadi, remplaçante de Laurent Delahousse aux journaux du week-end.


 


Pourquoi y a-t-il si peu de diversité sur les écrans et au sein des équipes de France Télévisions ?


Pour intégrer la diversité, il faut de la place. Or, beaucoup de ceux qui travaillent dans le groupe sont là depuis un nombre d’années incalculables. C’est pourquoi la moyenne d’âge est très élevée. Les places sont chères, car ce sont toujours les mêmes qui les occupent. Aujourd’hui, France Télévisions est une vieille entreprise qui embauche peu et où règne une sorte d’entre-soi. D’autre part, les responsables de chaînes prétextent que les téléspectateurs ont leurs habitudes et qu’on ne peut pas les changer. C’est faux.


 


Et côté fiction ?


Les choses évoluent aussi un peu. Kader Cherif (héros de la série Cherif, incarné par Abdelhafid Metalsi, ndlr) est, par exemple, devenu un des personnages récurrents les plus populaires de France 2. On est plutôt dans une dynamique, car même les producteurs s’intéressent au sujet, alors que la question ne se posait pas du tout avant.


 


Le baromètre montre aussi que les personnages ­issus de la diversité sont souvent stéréotypés…


Il est vrai qu’en observant les rôles attribués ou les représentations véhiculées, on s’aperçoit qu’ils sont souvent moins importants ou connotés négativement. Les années de pratique derrière nous n’aident pas à porter un regard dénué de stéréotypes. Un acteur noir doit, par exemple, pouvoir jouer n’importe quel rôle et ne pas être cantonné au rôle du gangster ou de la racaille de banlieue, comme on le voit encore trop souvent.


 


Comment faire pour que ça change ?


En France, comme notre modèle républicain ne repose pas sur le communautarisme, il ne permet pas de fonctionner par quotas, comme on le pratique sur la BBC. Il faut donc favoriser de nouvelles représentations. On est à un moment charnière où la télé fonctionne encore sur la base du rendez-vous et d’habitudes, alors que les moyens de diffusion se multiplient et que tout est bousculé. Cela nous oblige à réagir vite. 


 


Voir aussi : 


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