Affaire Zemmour : « On ira tous les jours jusqu’à ce que Cnews cède », Pierric Annoot, responsable communiste
Pierric Annoot est responsable du Parti communiste français dans les Hauts-de-Seine (92). Il est l'un des initiateurs du rassemblement qui a eu lieu ce jeudi 10 octobre devant les locaux de Cnews. Rassemblement pour exiger que la chaîne d'information en continu revienne sur sa décision.
Eric Zemmour deux fois condamné par la justice pour ses propos incitant à la haine raciale sera à l’antenne de Cnews du lundi au vendredi, une heure durant, à partir de 19 heures dans une émission intitulée "Face à l’info" présentée par Christine Kelly, à compter de ce lundi, le 14 octobre. Pierric Annoot appelle à un nouveau rassemblement devant Cnews ce lundi.
LCDL : Vous êtes allé devant Cnews ce jeudi soir. Et vous avez l'intention d'y retourner ce lundi…
Pierric Annoot : Oui. Nous demandons l’annulation immédiate de l’émission quotidienne de Zemmour. Pour le moment, la direction de la chaîne, qui appartient pour rappel à Vincent Bolloré, milliardaire français, maintient cette émission. Si elle le fait, c’est d’abord pour faire de l’argent.
L’irruption des chaines d’infos en continu au début des années 2000 a fortement contribué à transformer le débat politique. L’historien Gérard Noiriel démontre très bien dans son dernier ouvrage, que le venin de Zemmour n’est pas nouveau, qu’il le distillait depuis le début des années 90, mais que sa diffusion dans la société française tient pour beaucoup au bouleversement du champ médiatique avec l’arrivée de ces chaines d’infos en continu.
Le clash permanent pour faire monter l’audimat est recherché à la fois par ces chaines et par des individus comme Zemmour pour faire parler d’eux et faire de l’argent.
Il faut rappeler que Zemmour occupait déjà les micros de I-télé de 2003 à 2014, qu’il a fait ses premières armes télévisées chez Ardisson et Ruquier, plusieurs fois déprogrammé, condamné par la justice, mais toujours de retour grâce au jeu de la concurrence entre les chaines. Il y a donc une responsabilité particulière du système médiatique tel qu’il fonctionne aujourd’hui.
Vous dites qu'on a franchi un cap avec la diffusion en direct sur LCI du discours xénophobe d'Eric Zemmour lors de la Convention de la droite…
Effectivement. Jamais depuis la libération, nous n’avions entendu, sur un grand média, de discours aussi violents avec un appel à peine dissimulé à la guerre civile et religieuse, en l’occurrence contre l’Islam et les musulmans. Donc, je crois que l’on passe d’une stratégie du buzz à un véritable choix politique de toute une partie de la classe dominante, pour légitimer les discours racistes et la stigmatisation des musulmans.
Certains disent qu'empêcher Éric Zemmour de parler est contraire à la liberté d'expression. Qu'en pensez-vous ?
La déclaration des droits de l'homme et du citoyen dit: "La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi." Or, Zemmour a été condamné par la justice pour incitation à la haine religieuse et raciale à deux reprises. Quasiment chaque phrase de son discours lors de la Convention de l’extrême droite tombe sous le coup de la loi.
Et encore une fois, plus que de me référer à la loi, je veux insister sur la responsabilité immense de ces médias. Par exemple, quand Zemmour brandit la thèse fumeuse du grand remplacement, il relaie le discours des néofascistes et appelle implicitement à l’épuration
ethnique. Nous sommes là dans l’atteinte à la dignité humaine, dans l’appel à la haine. En le laissant éructer sur les plateaux télé, cela banalise son discours et le légitime. Cette légitimation peut pousser à l’acte, comme le drame que nous venons de vivre en Allemagne devant une synagogue, ou le mois dernier en France où une femme voilée a été poignardée parce que musulmane. La liberté d’expression ne peut être invoquée lorsqu’elle est utilisée pour libérer la parole et les actes racistes.
Pour l'affaire Dieudonné-Soral, Valls, alors ministre de l'Intérieur, avait pris les devants pour leur interdire de s'exprimer. Comment expliquez-vous le silence d'Emmanuel Macron ou des ministres pour l'affaire Zemmour ?
Il y a un deux poids deux mesures. Et c’est un drame. L’islamophobie et l’antisémitisme sont issus de la même matrice idéologique d’extrême droite. Or, il est indéniable qu’en France l’un et l’autre ne sont pas traités de la même manière. Une insulte antisémite en publique à l’hiver dernier a provoqué à juste titre l’indignation nationale.
Une femme voilée qui se fait poignarder ou une mosquée taguée, ça fait au mieux deux lignes dans la rubrique faits divers de la presse régionale. Cette injustice est dévastatrice. Cette hiérarchisation vise à désigner un nouvel ennemi de l’intérieur : le musulman.
Les derniers discours de Macron et Castaner sont d’ailleurs très graves. Ils nous invitent non pas à identifier des signes distinctifs d’appartenance à des réseaux terroristes, mais à identifier et dénoncer des signes d’appartenance religieuse avec ce tryptique insupportable : immigration/Islam/terrorisme.
On nous demande en filigrane de dénoncer le musulman, comme hier on nous demandait de dénoncer le juif. La prochaine étape c’est quoi ? Après le port de l’étoile jaune, celui du croissant vert ?
L’instrumentalisation des religions, le concept inique de la guerre des civilisations sert un seul projet : la survie d’un capitalisme en crise profonde et des rapports de domination sexistes et racistes.
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