McDonald’s de Nice accusé de discrimination : l’affaire aux Prud’hommes

 McDonald’s de Nice accusé de discrimination : l’affaire aux Prud’hommes

Hager Barkous

Etudiante tuniso-italienne, Hager Barkous est licenciée en 2019 pour faute grave par un McDonald’s à Nice. Elle dénonce une procédure abusive et le harcèlement de sa direction. Son combat judiciaire ne fait que commencer. Récit.

Tout commence en juin 2018. Etudiante en management à Nice, Hager Barkous cherche un job d’été et trouve du travail au McDonald’s Saint-Jean d’Angély. Durant son entretien d’embauche, le directeur du restaurant lui assure que le port du voile « ne lui pose aucun problème ».

Une fois sa période d’essai écoulée sans encombre, Hager est toutefois convoquée pour un entretien avec sa direction, qui lui rapporte que des clients se seraient plaint « qu’ils avaient même islamisé Mcdo ». Un accord est alors trouvé avec sa direction : la jeune femme change de statut, elle n’est plus « équipière polyvalente » mais hôtesse d’accueil.

À ce poste, Hager porte une casquette sur son bandana et puisqu’elle n’est plus en cuisine, elle peut désormais porter des manches jusqu’au coude. Tout fonctionne ainsi jusqu’en septembre 2018.

Dans le cadre de ses études, Hager doit alors trouver un contrat en alternance. Elle en parle à son supérieur qui se dit satisfait de son travail et lui propose un contrat de professionnalisation comme responsable opérationnelle chargée de la gestion administrative.

Hager en tenue de travail

Changement de direction

Etabli au moment d’un changement de direction au McDonald’s Saint-Jean d’Angély, le contrat sera signé avec la nouvelle direction. Changement de ton : la nouvelle responsable lui demandera notamment « pourquoi caches-tu tes cheveux ? », ce à quoi l’intéressée rétorque que c’est pour raison médicale.

Pas convaincue, la nouvelle direction aurait alors multiplié les pressions sur la jeune femme selon qui elle est amenée à consulter un psychologue ainsi qu’un psychiatre. Celui-ci lui prescrit des antidépresseurs. Elle cumulera au total trois certificats médicaux délivrés par deux médecins généralistes et son psychiatre qui diagnostiquent une dépression consécutive à un « harcèlement ».

En Janvier 2019, Hager est convoquée au bureau de son manager où on lui reproche un non-respect de la tenue réglementaire (manches jusqu’au coude). La jeune femme invoque le fait qu’elle n’est pas la seule employée à ne pas suivre à la lettre ce code vestimentaire : « certains portent des faux ongles, ont les cheveux détachés ou encore portent un gilet » rétorque-t-elle, s’indignant d’un deux poids deux mesures.

A ce moment-là, Hager reste en poste comme hôtesse d’accueil alors même que son contrat stipulait qu’elle était responsable opérationnelle, et donc sans contact client et non soumise aux mesures d’hygiène liées aux emplois de la restauration. Elle reçoit une sanction disciplinaire pour avoir continué à porter des manches 3/4 sur son lieu de travail, et un certificat médical lui est demandé pour justifier sa maladie.

Lorsqu’elle est de retour au travail après un congé, elle prend connaissance de quatre jours de mise à pied pour avoir « porté atteinte à ses responsables ». Une décision qui s’appuie sur les statuts Facebook que Hager avait publiés sur son compte et où elle témoignait de son affaire.

 

« Tu vas nettoyer les toilettes »

En février, un responsable s’adresse à elle menaçant : « si tu n’enlèves pas tes manches, tu vas faire du nettoyage toute la journée ! ».

Hager refuse de les enlever et tente de se montrer conciliante. Elle accepte de faire le ménage quand son responsable lui ordonne d’aller nettoyer les toilettes. Pour la jeune femme, c’est l’humiliation de trop. Elle estime alors que sa hiérarchie cherche à la faire craquer.

Mais quand elle obtient un arrêt maladie, Hager reçoit une notification de licenciement pour « faute grave ». Elle perd automatiquement son master puisqu’en l’absence de contrat d’alternance, il lui est impossible de poursuivre ses études.

Outre sa tenue et ses publications sur les réseaux sociaux, les responsables l’accusent également d’avoir incité indirectement via ses publications Facebook un client qui les aurait menacés armé d’un coran. La jeune femme dit ne pas connaître cette personne hormis en tant que client du McDonald’s.

Hager recevra le soutien de ses collègues et obtient six témoignages en sa faveur. Elle décide de saisir la justice. En Novembre 2020 a lieu une première audience. L’avocat de McDonald y déclare que « Madame Barkous n’a pas hésité à humilier les institutions françaises sur Facebook », dans ce qui s’apparente à une volonté de politisation de l’affaire.

Une deuxième audience a été fixée au le 24 mars 2021. Aujourd’hui Hager poursuit une formation de comptable. Elle dit aller mieux et affirme vouloir mener cette bataille à son terme, de sorte que cela serve d’exemple à ceux qui seraient dans des situations similaires mais n’ont pas eu le courage de faire valoir leurs droits.

 

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