Marseille. Il y a 27 ans, Ibrahim Ali était abattu par un militant du FN
Robert Lagier, un maçon né à Alger en 1932, fan de l’OAS, haïssait Ibrahim Ali, juste parce qu’il était noir. Il l’a abattu d’une balle dans le dos. C’était il y a 27 ans.
Ce 21 février 1995, à Marseille, à quelques mois de l’élection présidentielle, Robert Lagier colle avec deux de ses amis des affiches pour le candidat du Front national, Jean-Marie Le Pen. Tout près de là, sur l’avenue des Aygalades, Ibrahim Ali, jeune lycéen de 17 ans, d’origine comorienne, sort d’une répétition de théâtre et de musique. Il court pour attraper le bus.
Robert Lagier prend sa carabine et l’abat d’une balle dans le dos. La mort de l’adolescent provoque une vive émotion dans la ville. 30 000 personnes descendent dans les rues de Marseille. Les manifestations se succèdent alors un peu partout en France.
Trois ans plus tard, en juin 1998, la Cour d’assises condamne Robert Lagier à 15 ans de prison, ses deux complices à des peines moins lourdes, Mario d’Ambrosio à 10 ans, et Pierre Giglio écope de deux ans.
A la barre, Robert Lagier affirme qu’il s’agit d’un accident. « Rien à voir avec le racisme ou la xénophobie », se défend-il. Une version contestée par la petite fille du meurtrier.
Le 15 juin, Julie, 16 ans, vient dire aux jurés de la Cour d’assises que son grand-père n’est pas l’homme qu’il prétend : « Il m’emmenait au club de tir pour m’apprendre à tirer sur les Arabes, les melons, comme il les appelait. J’avais 8 ans à l’époque ».
Il a fallu attendre 26 ans et un nouveau maire, le socialiste Benoît Payan pour que l’avenue Aygalades soit enfin rebaptisée du nom d’Ibrahim Ali.
Le 21 février 2020, Benoît Payan déclarait alors devant la famille de la victime terriblement émue : « Aujourd’hui, la ville de Marseille rend justice à un de ses enfants. Le nom d’Ibrahim Ali est désormais notre héritage. Il fait partie de notre histoire commune. Renommer cette avenue était une responsabilité politique et un devoir moral ».