Vers l’égalité hommes-femmes en matière d’héritage
L’idée est simple mais elle n’en est pas moins géniale, au lieu de fustiger une religion qui est « injuste » envers les femmes et notamment en matière d’héritage, la romancière et psychologue Siham Benchekroun a préféré interroger les textes religieux de l’intérieur pour séparer le bon grain de l’ivraie.
La méthodologie choisie est elle-même marquée par une approche inédite puisque ce sont 23 experts, provenant de disciplines variées, « Embedded » dans le corpus supposé être inviolable des textes sacrés qui apportentainsi un éclairage intéressant.
Dans une démarche militante, les auteurs cherchent tout simplement à jeter la lumière sur les arguments qui s’entrechoquent concernant l’égalité dans l’héritage entre ceux qui soutiennent que « ceux qui débattent de l’héritage sont arrivistes » ou bien les autres qui pensent que « l’égalité dans l’héritage n’a pas de justification religieuse »…
Un bel ouvrage traversé par trois grandes orientations où se croisent le théologique, le politique, le juridique et le sociétal ont permis à des autorités comme le président de Dar Al Hadith Al Hassaniya, Ahmed Khamlichi, ou la juriste Fatiha Daoudi où encore le sulfureux Abou Hafs, se sont relayés pour apporter une réponse concrète aux interrogations complexes et compliquées que pose l’héritage dans sa composante féminine.
On apprend ainsi qu’en matière de droit positif, le droit marocain reconnait depuis longtemps la participation de la femme à la vie économique et s’il ne fallait retenir que cet exemple, Ahmed Ghazali retiendra l’évolution de la jurisprudence coutumière, qui n’a cessé de consolider les droits des veuves notamment.
L’aspect théologique de la question évoqué par Rafiqi ou Tareq Oubrou, l’imam de Bordeaux d’origine marocaine explore les multiples ouvertures qu’offre le Coran pour induire des changements, tant dans la loi que dans les mentalités, en matière d’héritage.
Quant au sociologue Jamal Khalil, il dresse un constat sans appel sur une situation qui évoque le syndrome de Stockholm, puisqu’il rappelle ainsi que souvent, « l’inégalité qui est admise par les femmes afin d’éviter les conflits avec les frères », est régie par le contrat tacite qui lie les sœurs aux frères, qui oscille entre autorité et protection, et qui est rompu quand des femmes osent franchir revendiquer plus de droits.
Pour Mme Benchekroun qui a eu le mérite de rassembler tout ce beau monde autour de la question, s’attaquer à l’un des fondements majeur du machisme et espérer déconstruire une inégalité qualifiée de légitime, d’indiscutable et, en quelque sorte, de sacrée passe nécessairement par une réflexion académique multidisciplinaire . « Une multidisciplinarité sur un sujet assez peu traité permet des analyses à partir de plusieurs angles de vue (théologique, politique, juridique, économique, psychologique, socio-anthropologique, etc.), et cela permet des éclairages différents » selon les mots même de l’auteure.
Aziz Cherkaoui