Sur les traces de Léon l’Africain
Selon Amin Maalouf, Hassan Al-Wazzan, alias Léon l’Africain, ne venait “d’aucun pays, d’aucune cité, d’aucune tribu”. Ce grand explorateur, auteur de “Description de l’Afrique”, continue d’inspirer les intellectuels, les politiques et les artistes. Le festival des musiques sacrées du monde de Fès lui a réservé une place de choix lors de sa dernière édition.
Ancienne capitale politique et intellectuelle du Maroc, Fès illustre mieux que toute autre ville la relation privilégiée que le Royaume entretient avec l’Afrique. Et parmi ses représentants prestigieux au cours de l’histoire, Hassan Al-Wazzan, alias Léon l’Africain (vers 1490- vers 1550), est sans doute l’un des Marocains qui a le plus contribué à resserrer les liens entre le nord et le sud du continent.
Ce n’est donc pas par hasard que le festival des musiques sacrées du monde a choisi ce grand voyageur, diplomate et témoin des événements de son siècle comme figure majeure de sa 21e édition, du 22 au 30 mai, avec pour thème “Fès au miroir de l’Afrique”.
Emprisonné par des pirates
C’est par un spectacle centré sur le personnage de Léon l’Africain (incarné par l’acteur Saïd Taghmaoui) que s’est ouvert le festival de Fès, une superbe fresque musicale mise en scène par le directeur artistique Alain Weber qui a transporté les spectateurs du Maroc au Sénégal, en passant par Tombouctou, au Mali. “Le thème de l’Afrique a émergé à partir d’une réflexion collective prenant en compte, entre autres, la position politico-économique actuelle du Royaume. L’idée d’un personnage fédérateur, en l’occurrence Hassen Al-Wazzan dit Léon l’Africain, qui exprime les rapports établis entre l’Afrique et le Maroc, pays bien évidement africain, s’est imposée”, explique le metteur en scène.
Parallèlement à la programmation artistique et musicale du festival, Fès a aussi abrité une table ronde dédiée à Léon l’Africain dans le cadre du forum intitulé “Une âme pour la mondialisation”. Cette rencontre animée par des intellectuels et des historiens a été l’occasion de revenir sur le parcours de cet explorateur, depuis sa naissance en Andalousie jusqu’au Mali, en passant bien sûr par le Maroc et l’Italie (lieu de son enlèvement et de son emprisonnement par des pirates). Son ouvrage Description de l’Afrique a constitué pour les Européens de la Renaissance une source majeure de connaissance du continent africain.
Un sujet de recherche
S’exprimant à cette occasion, la Marocaine Oumelbanine Zhiri, professeure de littérature française et comparée à l’université de Californie à San Diego (Etats-Unis), a souligné la contribution de Hassan Al-Wazzan à la géographie et sa grande influence en Europe jusqu’au XIXe siècle. De son côté, Madeleine Dobie, professeure de lettres à l’université Columbia de New York et spécialiste des écrivains francophones du Maghreb, a noté que les historiens et les écrivains s’intéressent de plus en plus à la figure de Léon l’Africain, cette recherche témoignant d’un regain d’intérêt pour les relations interculturelles en Méditerranée.
Yasmina Lahlou