Othmani au chevet de l’Ecole ? La fabrique des cancres
C’est la grosse patate chaude que Othmani va tâter au tout début de cette nouvelle année. L’équipe au pouvoir va ainsi examiner le projet de loi-cadre relative à la réforme de l'Education (rien que ça !) lors du prochain Conseil de gouvernement, programmé pour le 4 janvier 2018.
Les discussions pressenties pour le projet de loi cadre relative à l’éducation, l’enseignement, vont essentiellement porter sur la question de la gratuité de l’enseignement et du match « privé versus public » alors que les vraies questions se situent ailleurs.
L’hypocrisie des politiques continue à nous faire croire que le débat entre privé et public est encore d’actualité alors que l’enseignement public a été égorgé et enterré sous l’autel des plans d’austérité imposés par les instances financières internationales, et ce, depuis les années 80.
Depuis, « l’engagement étatique pour une éducation pour tous, gratuite et de qualité » a été battu en brèche par la fermeture régulière d’écoles pour divers motifs, tous plus fallacieux les uns que les autres.
Tout récemment, le comité des droits économiques, sociaux et culturels des Nations unies avait d’ailleurs demandé au gouvernement marocain des engagements fermes en matière de prévention des inégalités dans l’accès à l’éducation, pointant du doigt « le développement incontrôlé de l’enseignement privé au Maroc et « le renforcement des inégalités dans la jouissance du droit à l’éducation ».
Résultat : le système éducatif marocain est aujourd’hui tel que les familles les plus riches peuvent placer leurs rejetons dans des écoles d’élite de bonne qualité, quand les plus pauvres font de lourds sacrifices pour tenter de payer à leurs enfants un enseignement de très mauvaise qualité dans des écoles privées aux méthodes douteuses ou, au pire dans l’enseignement public.
Pour les premiers, un parcours scolaire individualisé pour chaque élève, un savoir académique dernier cri, les meilleurs résultats au bac mais aussi un savoir être, et pour les seconds, « le parcage » dans des classes bondées, des résultats catastrophiques, des enseignants démissionnaires et une culture de la violence vécue au quotidien.
Pour faire cesser ce scandale, le problème ne se situe pas au niveau du match privé/public, débat stérile aux relents populistes, au demeurant il est autant possible d’agir sur une éducation ouverte à tous et gratuite que de faire contribuer les étudiants au financement de leurs études et restreindre leur nombre au sein des établissements.
Mais à mon avis, le fond du problème se situe plutôt au niveau idéologique : l’enseignement a été victime d’un combat vieux comme le monde, celui de l’éducation par la foi, versus l’enseignement de la raison, entre un contenu théologique et un corpus politique, entre l’esprit critique et la soumission, car la mise à mort de l’enseignement a été d’abord le fait des politiques avant d’être celle de gourous de la haute finance.
De triste mémoire, la mise à mort réelle de l’éducation remonte exactement à l’année 1977 avec la mise en place de la fameuse arabisation. A l’époque, sous la houlette de l’Istiqlalien Azeddine Laraki, le ministère de l’Enseignement, arraché à la dictature de cette gauche qui vénérait Marx, Descartes et Averroès va brusquement basculer entre les mains des islamistes conservateurs.
Résultat, l’arabisation du système d’enseignement est accompagnée d’une guerre sans merci contre la philosophie et la sociologie accusées de servir les desseins secrets d’une opposition marxiste athée et hautement subversive. L’arabisation fut un échec total et la suite, on la connait.
Aujourd’hui qui aura le courage d’arracher l’éducation aux affairistes que sont devenus les enseignants, dont la grande majorité n’hésite pas à monnayer le moindre petit cours et les obscurantistes qui tentent de faire de l’enseignement une arrière cour de leur « califat » ?
Et les rares profs qui n’ont pas encore été balayés par la crise profonde des vocations sont eux-mêmes de plus en plus dépossédés de leur métier puisqu’ils sont désormais « managés » par des experts en tout et en n’importe quoi.
Il n’y a pas de solution magique mais si la jeunesse mérite mieux que cette imposture qui consiste aujourd’hui à faire croire que tout le monde peut réussir grâce à une plus grande démocratisation de l’enseignement, il ne faudra guère compter sur les islamistes au pouvoir car ils sont en même temps juge et partie.
Abdellatif El Azizi