Opération Manu Pulite

 Opération Manu Pulite


On peut trouver que la justice a eu la main lourde dans le procès des jeunes du Hirak, mais en même temps, il faut remarquer que la tendance est générale et le timing bien choisi. Pour la première fois dans l’histoire du royaume, ce sont aussi de gros poissons qui se retrouvent derrière les barreaux. 


Que ce soit des officiers supérieurs de la gendarmerie impliqués dans le trafic de drogue ou des agents d’autorité sur lesquels pèsent des accusations de corruption, les juges mettent les bouchées doubles. Même les plaintes déposées au niveau du parquet par la société civile se retrouvent à la barre. De la prison pour tout ce beau monde en attendant que la justice tranche sur les nombreux autres dossiers de grands responsables transmis par le Premier ministre au parquet.


Dans le collimateur aussi, les gros chantiers inaugurés par Mohammed VI. Les projets supervisés par le ministère de l’Équipement se taillent la part du lion, notamment après les multiples déboires qu’ont connus de nombreux chantiers dont le moindre n’est pas le fameux port de Safi, qui a subi l’effondrement du quai charbonnier, provoquant un retard des plus préjudiciables. Le chantier de construction du nouveau port de Safi qui avait pourtant été lancé en avril 2013 par Mohammed VI devait être livré en 2017. L’été s’annonce chaud et les décisions seront fortes, destinées à frapper les esprits, mais aussi à taire ces Cassandre qui ne voient pas encore qu’il s’agit là d’une réelle reddition des comptes pour certains hauts responsables, jusque-là considérés comme intouchables, sinon de quoi serait-elle, le nom, cette opération Manu Pulite?


Quel Maroc voulons-nous ? Il n’ y a aucune vertu à perpétuer de mauvaises pratiques, n’en déplaise à une classe politique corrompue, n’en déplaise à ces caciques qui s’engraissent sur les deniers publics, n’en déplaise à ces populeux qui se sont auto proclamés défenseurs du petit peuple, un pied dans le gouvernement et un pied dans l’opposition. Que Rabelais nous pardonne, mais je ne puis m’empêcher de le parodier « politique sans conscience n’est que ruine de l’âme. L’heure est grave, on ne peut plus continuer à persister dans les pratiques d’antan et en même temps réclamer la rupture. La fameuse rupture promise aux Marocains est encore une fois le fait du roi. Alors que dans cette tâche, tout le monde est concerné : « Dura lex, sed lex », la loi est dure, mais c’est la loi. Qu’elle s’applique à une bande de jeunes qui mettent le feu à une caserne de policiers pour en cramer le maximum ou un responsable ripoux assis sur un matelas de deniers publics ou encore un patron de BTP qui se sucre en milliards pour des chantiers qui ne verront jamais le jour.


Tout cela est bien beau, mais il reste aussi une grande bataille qui ne pourra être soldée que si prend le taureau par les cornes pour gagner cette bataille de l’image censée donner la force et la crédibilité nécessaire à nos institutions. La machine est lancée. Si seulement chaque Marocain voulait bien défendre à son modeste niveau tout ce qu’il croit vrai et juste, s’il voulait aider au maintien de l’état de droit, résister à la sinistrose et faire connaître sa volonté au moment opportun, quand les urnes sont prêtes, alors et alors seulement cette guerre serait gagnée, au sens profond du mot. Surtout qu’entre fatalisme et angoisse, les Marocains attendent encore vaguement quelque chose, sans trop savoir quoi, sans savoir comment seront-ils rassurés.


Cette révolution pêche par des décisions majeures mettant fin notamment à la rente dans la communication officielle. Ce qui passe par la poussée vers la sortie de tous ces caciques de la dernière heure qui attendent tranquillement quelque coup de fil désormais improbable pour concocter quelques phrases pour l’écrit ou quelques images datant de l’ère soviétique, susceptibles de défendre la position officielle, à moins de tomber à bras raccourcis sur un quidam insignifiant pour en faire un héros malgré lui. Pour mettre fin au carnage virtuel qui excite cet électorat populiste si cher aux islamistes et mettre de l’ordre dans ce tohu-bohu médiatique, on ne peut plus faire l’économie d’un coup de pied dans la fourmilière pour se débarrasser définitivement de cet héritage toxique.  


Le ménage est attendu notamment au niveau d’un système audiovisuel sclérosé par des années de pratiques malsaines, totalement dépassé par la viralité des réseaux sociaux et désormais abrutis par la course à l’audimat menée, par des médias aux ordres « ennemis », mais disposant d’une approche réellement professionnelle.


Abdellatif El Azizi