Migration : L’exil ou la mort

 Migration : L’exil ou la mort

ARMEND NIMANI / AFP


Il faut bien que la question soit d’une urgence absolue pour que le roi Mohammed VI ne propose pas moins que la création d'un Observatoire Africain de la Migration et d’un poste d’Envoyé spécial de l’UA chargé de la Migration. Le souverain qui a lancé cette bouteille à la mer a bien précisé qu’il s’agit d’une instance dont le travail sera basé sur le triptyque « comprendre, anticiper et agir » qui aura pour mission de développer l’observation et l’échange d’informations entre les pays africains, afin de favoriser une gestion maîtrisée des flux migratoires.


On ne reviendra pas sur la légitimité du royaume à revendiquer la première place sur le podium des pays qui font preuve d’audace en matière de migration, notamment par ses différentes campagnes de régularisation des clandestins subsahariens; mais l’urgence de prendre le taureau par les cornes est telle que les vœux pieux et les recommandations ne servent plus à panser les plaies d’un fléau en constante augmentation.


Pour ces jeunes qui perdent la vie en partant à la recherche d’une fortune impossible, seul l’espoir d’un avenir meilleur, d’une réussite réelle sur la terre natale peuvent changer la donne et arrêter le décombre macabre. Malgré une situation nettement meilleure, le Maroc, également, continue à payer un lourd tribut avec l’immigration clandestine.


Même si les jeunes Marocains constituent une part infime des migrants en Europe, comment les inviter à croire en eux et en leur pays ? Si l’Afrique a mal à ses jeunes, le Maroc n’est pas en reste, même si la comparaison s’arrête là.


En tout cas, s’il est difficile aujourd’hui d’en vouloir à ces jeunes qui n’arrivent pas à trancher entre l’angoisse de s’épanouir dans leur propre pays (malgré les embûches) et la forte tentation à émigrer, il est encore plus difficile de comprendre le silence des responsables politiques vis-à-vis de la question de cette jeunesse en détresse, alors que justement, des pays comme le Maroc sont connus pour abriter une proportion de jeunes qui dépasse la moyenne mondiale.


Comment le gouvernement n’arrive pas à entendre les cris de désespoir de ces milliers de jeunes qui manifestent pour un oui et pour un non, qui n’hésitent pas à braver le froid et la pluie pour sortir crier leur rage aussi bien à Jerada, Zagora ou auparavant dans le Rif.


Car il ne faut pas se tromper, si les appels trouvent un écho aussi massif et général, c’est que les jeunes ont en ras-le-bol de vivre aux crochets de leurs parents, pour les uns, de petits boulots pour les autres et de trafics divers pour le reste.


Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre que des milliers de personnes qui descendent chaque jour dans la rue n’ont rien à faire de la journée si ce n’est ruminer leur désespoir.


Or il n'est pas possible de ne pas entendre la détresse de nos jeunes aujourd'hui, surtout qu’à ceux qui ne trouvent pas de travail est souvent reproché de ne pas vouloir s’impliquer pour mettre le pied à l’étrier. Alors que même le culte du diplôme a pris du plomb dans l’aile depuis que des milliers de diplômés chômeurs battent le pavé devant le parlement pour faire entendre leur voix.


La classe gouvernante est autiste; pourtant, le Maroc comme tous les autres pays africains a tout à gagner à investir dans ses jeunes. Et, pour cela, il suffit de mettre en place quelques initiatives simples, débloquer coûte que coûte leur financement quitte à faire appel à ce secteur privé qui se gave des bienfaits du pays sans renvoyer l’ascenseur :


Il suffit de réduire les charges pesant sur le premier emploi, d’aider par tous les moyens les jeunes qui le souhaitent à créer leur propre entreprise,  de considérer tout jeune à la recherche d’un emploi comme exerçant une activité méritant rémunération, de donner la possibilité aux jeunes créateurs de réaliser leurs rêves, et surtout de leur accorder une place de choix dans les prises de décision dans les partis, les ONG, l’administration. Sans oublier le chômage des non diplômés.


L’intégration de ces jeunes laissés actuellement sur le bord du chemin de la vie professionnelle passe par un partenariat des entreprises avec les collectivités locales et le maillage associatif.


Sinon, on ne pourra pas leur en vouloir de se jeter dans la Méditerranée en désespoir de cause.


Abdellatif El azizi