Malédiction des Fake News – Le Maroc, aussi

 Malédiction des Fake News – Le Maroc, aussi

Le roi du Maroc Mohammed VI. LUDOVIC MARIN / AFP


C’est un roi bien vivant, en chair et en os que l’on a vu présider un conseil des ministres à Rabat le jeudi 19 avril 2018. Il y a quelques semaines de cela, certains ont annoncé sa mort, d’autres ont parlé d’une opération chirurgicale d’une gravité extrême avant que d’autres nous sortent le scoop du siècle, « le divorce du roi » ! Eh oui, rien que ça. 


Même des médias réputés comme le magazine Hola se sont engouffrés dans la brèche, utilisant, un conditionnel de circonstance, histoire de faire quand même le buzz. En matière de « fake news », on peut trouver mieux. Dans une discussion avec un de ces « grands »  journalistes français, l’argument de taille qui revient souvent, c’est pourquoi « il n’y a pas eu de démenti » ! A qui profite le crime ?


Dans le paradis des « informations fausses », les donneurs d’ordre se suivent et se ressemblent, une fois ce sont nos amis du Polisario qui travaillent en service commandé pour l’ex-DRS algérien; une autre fois, ce sont les Espagnols nostalgiques de l’époque franquiste planqués dans les différentes officines qui vouent au royaume une haine séculaire; comme on peut trouver, bien entendu, une poignée de Marocains qui relaient ces fausses informations pour x raisons.


Après tout, on n'a que trop parlé des fausses nouvelles diffusées sur des sites financés par des puissances étrangères dans les campagnes présidentielles américaine et française, trop commenté la difficulté pour les démocraties de contrer ces organes aux mains d’officines étrangères.


Le flot de désinformation qui pollue désormais les réseaux sociaux et le débat public ne pouvait épargner le royaume.


Quelques médias marocains, deux ou trois, pas plus, ont poussé « le courage éditorial » jusqu’à s’interroger sur l’absence de l’épouse du roi sur la photo de famille autour du souverain, à l’hôpital, postée par le palais.


Nous ne sommes même plus dans la rumeur qui part en général de bribes d’informations qui sont parfois parfaitement réelles, mais  qui sont ensuite déformées pour en changer le sens, souvent dans le but de faire passer un message politique. Ici, ces pseudo sites d’informations, véritables « usines à clics » n’hésitent pas à mettre en ligne de fausses informations inventées de toutes pièces, quitte à les démentir plus tard.


En toute légitimité, on peut se poser la question, pourquoi justement, le roi du Maroc est-il l’objet de tant d’intérêt ? « Chaque fois qu'on produit un effet, on se donne un ennemi. Il faut rester médiocre pour être populaire », disait Oscar Wilde. Or Mohammed VI, sur beaucoup de dossiers, dérange beaucoup par des positions peu communes.


Sur la question palestinienne, il est remarquable qu’un chef d’Etat arabe s’engage aujourd’hui de manière aussi claire sur une voie aussi lourde de signification sur le plan géopolitique : la défense sans concession d’une solution à deux Etats avec Al-Qods comme capitale de l’Etat palestinien. Or tout le monde sait qu’Israëlqui a non seulement le bras long sur le plan politique mais de plus, l’Etat hébreu qui maitrise à merveille l’art de manipuler les médias, est allergique à ce type de discours.


Plus près de nous, le roi a encore une fois tourné le dos à cette coquille vide dénommée «  sommet arabe ». Annoncé par de nombreux médias comme participant au sommet, (encore une fake news ?), Mohammed VI a montré encore une fois qu’il ne mettrait pas la main à « la farce ». Une rencontre sans boussole qu’aucune action concrète n’est venue couronner. Toujours la même rhétorique pour dénoncer du bout des lèvres «  la décision des Etats-Unis de reconnaître Jérusalem comme capitale d’Israël et les ingérences de l’Iran dans leurs affaires ».


Il y a pourtant plus d’une décennie que le roi du Maroc avait prévenu qu’il ne viendrait plus pour faire de la figuration. C’était justement à l’occasion de la tenue du 19ième sommet arabe où Mohammed VI avait adressé aux dirigeants arabes un appel afin « qu'ils adoptent des positions communes et courageuses pour venir à bout des problèmes de leurs peuples.»


Autre dossier brûlant, celui de l’Afrique. Là encore, le style M6 dérange. Depuis son intronisation, le roi  a opéré un changement de cap majeur de la diplomatie marocaine qui chérit désormais presque autant Libreville ou Abidjan, voire plus que Paris. En presque 20 ans de règne, Mohammed VI s'est rendu, dans la plupart des pays du continent africain, dont certains à plusieurs reprises. Un activisme qui déplait assurément à beaucoup de monde et pas seulement nos voisins de l’est.


Le souverain chérifien est profondément convaincu que « l’Afrique ne doit pas rester otage de son passé, ni de ses problèmes politiques, économiques et sociaux actuels. Elle doit regarder son avenir avec détermination et optimisme, en exploitant tous ses atouts et ses potentialités ».


C’est vrai que l’intendance ne suit pas, mais la machine est lancée même si ça fait grincer des dents plusieurs capitales européennes qui voient d’un mauvais œil, ce nouveau venu marcher allègrement sur leurs plates-bandes.


Que conclure de tout cela ? Certes, nous pouvons parfaitement ignorer les propagateurs de fake news, quelles que soient leurs motivations mais en revanche, il est urgent de s'alarmer de ces dérives inquiétantes dans la profession, de pratiques journalistiques de plus en plus éloignées du fameux « doute méthodique », des « faits, rien que les faits » instauré par les amoureux d’un métier en voie de disparition.


Abdellatif El azizi