Le spleen de l’heure d’été

 Le spleen de l’heure d’été

Heure d’été 26/03/2018 Patrick Lefevre / BELGA MAG / BELGA


Faut-il désespérer définitivement de notre classe politique ? Jusqu’au dernier moment, on a cru que notre valeureux ministre délégué chargé de la Réforme de l'administration et de la Fonction publique allait être sensible aux cris de la rue, que les milliers d’appels au secours de citoyens exécrés par la décision de passer de l’heure normale à l’heure d’été allaient trouver une oreille attentive chez le nouveau locataire des lieux. 


« N'emploie pas si mal ton temps, que tu fasses des mécontents », non seulement, beaucoup de pays se sont délestés de cette fâcheuse manie mais de plus, tous les rapports scientifiques menés dernièrement ont conclu aux effets néfastes de ce changement sur les corps et les esprits de la gent humaine.


Cerise sur le gâteau, la fameuse heure ne sera plus d’actualité dans un mois (à l’occasion du Ramadan) pour revenir juste après empoisonner les vacances des Marocains. D’autant plus que les arguments avancés relèvent d’une grande fumisterie : l’économie d’énergie !


« On se met à l’heure pour ne pas être en décalage avec l’Europe » se défend-on. Et ce, au moment ou le parlement européen s’apprête à se prononcer sur la suppression de ce changement d’heure. Comme disait Charles Péguy : « Le triomphe des démagogues est passager, mais ses ruines sont éternelles ».


Cela voudrait dire que pour deux pelés et trois tondus qui ont Paris chaque matin, au bout du fil, il faudrait punir les autres quarante millions de Marocains qui ne trouvent aucun avantage à jouer au chat et à la souris avec une heure aussi volatile ?


A la vérité, il s’agit d’une forme de discrimination qui touche beaucoup plus une partie de la population, celle du Maroc d’en bas, le royaume désenchanté de ceux qui se réveillent à 5h du matin (et qui devront désormais mettre le réveil sur 4 heures) en face de celui des nantis, ceux pour qui le temps est vraiment de l’argent, cette oligarchie à qui il semble malvenu de demander des comptes, de partager l’effort commun, voire de faire aussi des sacrifices dont le moindre est de s’accommoder de quelques minutes de moins à gérer dans leurs contacts avec l’Europe, en attendant que celle-ci abandonne définitivement ce changement d’heure si controversé.


D’autant plus que de manière symbolique, de toutes les façons, « Bien malin qui peut dire quel temps il fera dans un an ».


Cette histoire d’heure ajoutée ou retranché ne traduit pas autre chose que la continuité d'une certaine immaturité politique de l’élite politique de ce pays, celle qui a horreur de la vérité et qui se dispense des devoirs de l'effort, pour qui la responsabilité est un vain mot.


« Pour vivre heureux, vivons cachés » et vivre caché pour un responsable marocain, c’est se faire oublier, éviter de prendre les devants, ignorer ce que veut dire une initiative et attendre que les décisions, toutes les décisions viennent d’en haut, même pour trancher sur cette misérable petite heure.


En tout cas, la reconquête de notre temps est un combat de tous les jours. Maîtriser son temps, c’est la seule manière de mettre en garde contre le cynisme, et les politiques de facilité qui tirent vers le bas notre quotidien.


Abdellatif El azizi