La bataille de Tétouan : Devoir de mémoire pour générations futures

 La bataille de Tétouan : Devoir de mémoire pour générations futures

« La bataille de Tétouan »


 


Nous sommes dans l’enceinte de la fondation Sidi Mchiche Alami. La table ronde démarre avec l’intervention de Hassan Aourid, qui occupait jusqu’à une date récente le poste d’historiographe du royaume. L’intellectuel revient sur le contexte qui a précédé l’agression espagnole contre le Maroc dans ce qu’il est convenu d’appeler « la bataille de Tétouan ». 


 


Une  guerre minée par des guerres intestines, l’appétit aiguisé par l’accroissement des ambitions coloniales régionales, marquées dès 1830 par la prise d’Alger par la France, qui se heurta à la résistance algérienne soutenue par les Marocains, qui a conduit aux fameux accords de Lalla Maghnia traçant artificiellement les frontières entre les deux pays.


 


« A la fin du règne du sultan Moulay Abd-er-Rahmane, en août 1859, les Espagnols prenant prétexte de frictions entre leurs soldats et des tribus d’Anjra exigeaient le châtiment des douze responsables comme réparation à l’outrage, ce que le sultan refusa bien entendu. Le 22 octobre 1859, le royaume ibérique déclarait officiellement la guerre » précise Aourid. Malgré la bravoure et l’enthousiasme des volontaires provenant des Anjra et des tribus voisines, les harkas, commandées par le frère du souverain Moulay Abbas, l’équilibre des forces était nettement en faveur de l’Espagne qui pût mettre en ligne une force de 48 000 hommes talonnés par 14 navires de guerre, sous le commandement du général O’Donnel.


 


Après une agression désastreuse pour les Marocains, l’Espagne impose au royaume des conditions humiliantes pour signer un traité de paix. Pour le dr Mustapha Mchiche Alami, «  le Traité de paix du 26 avril 1860 décrit par les Espagnols comme « une guerra granda, une paz chica» est un véritable camouflet pour le Maroc puisqu’il impose l’agrandissement des limites de Sebta, l’octroi d’un établissement de pêche dans le Sud comprenant le territoire de Santa Cruz de Mar Pequena, des avantages et des garanties de commerce, des privilèges pour le culte religieux; et surtout le versement en quatre échéances de deux mois, d’une indemnité de guerre de 20.000 douros (100 millions de francs or) en contrepartie de l’évacuation de Tétouan et de sa zone…Ce qui équivaut à plus de 100 milliards de DHS » !


 


En conclusion, tous les intervenants se sont donné le mot pour insister sur la nécessité de sensibiliser, à l’histoire du pays, les Marocains et plus spécialement les générations futures.


 


Pour Mchiche Mustapha qui travaille depuis 60 ans sur plusieurs pans de l’histoire du royaume à travers notamment des tables rondes, des publications et des tableaux retraçant l’épopée des fiers chevaliers marocains, « l'enseignement de l'histoire est une nécessité sociale. Tous les citoyens doivent avoir une connaissance riche du passé du royaume et maîtriser les références qui leur permettent de lire l’histoire à travers les monuments, la littérature, les documents nombreux qui existent. Ils pourront alors connaître la vérité sur une histoire qui est souvent écrite par les colons, déformée par l’ennemi qui en a fait un outil de propagande pour humilier « les indigènes ». « Il est temps que les générations futures se réapproprient ce passé en distinguant ce qui est des faits incontestables et ce qui est mensonges »  explique-t-il. 


 


Conviction partagée par Hassan Aourid qui pense que nous avons besoin du passé pour savoir où nous allons. L’intellectuel s’insurge contre l’idée que le colonialisme puisse être « positif » : «  le colonialisme est un viol. Si les colons ont construit des routes ou des ports, c’est pour leurs propres intérêts. Mais la mémoire n’est jamais figée ; elle vit toujours au présent, nous ne pouvons pas juger les Français ou les Espagnols d’aujourd’hui à l’aune des erreurs et des crimes commis par leurs aînés ».


 


Même constat chez le petit-fils de Moulay Abbas, présent à la conférence qui plaida, pour sa part pour « un devoir de mémoire, véritable devoir envers les  futures générations. Non pas pour se complaire dans une position victimaire mais pour rappeler et intégrer ces valeurs de liberté, d’égalité et de fraternité qui animaient ces hommes qui avaient su dire non aux colons ».


 


Bahit Leila