Haute administration – Othmani contracte le virus du jeunisme
C’est la fièvre dans les bureaux des hauts fonctionnaires, surtout ceux qui sont en fin de carrière. Othmani ayant refusé de reconduire bon nombre d’entre eux, pas moins de deux cents hauts fonctionnaires arrivés à l’âge de la retraite sont sur le départ. Les uns se démènent comme ils peuvent pour trouver le piston assez solide pour leur permettre d’espérer quelques années de plus et les autres s’apprêtent à rendre le tablier avec une grande amertume.
Bien sûr le refus du Premier ministre d’accepter la demande de prolongation de ces « dinosaures » de l’administration part d’une bonne intention, « renouveler les cadres et insuffler un sang nouveau dans les veines d’une administration malade »; sauf que l’enfer est toujours pavé de bonnes intentions et tout le monde sait que le jeunisme, cette maladie des gouvernements populistes coûte peu et rapporte gros.
Pourtant, le psychiatre en chef aurait dû se rappeler la fameuse opération « départ volontaire de la fonction publique », initiée en 2005, par Driss Jettou, qui (ironie du sort) monte au créneau, aujourd’hui en tant que patron de la Cour des comptes pour nous expliquer que ce fut un grand fiasco.
Pour résumer, on dira que sur les 39.000 personnes qui ont empoché plus de 11 Mds de DH, seuls les cadres les plus compétents ont « empoché l’oseille et se sont tirés ». On avait donc eu le génie de trouver une bonne recette pour vider l’administration marocaine de bon nombre de ses cadres compétents, avec une prime en sus !
Avec ces bruits de couloir qui remontent de la primature, il y a comme un je ne sais quoi de parfum de populisme dans une décision qui ne changera pas grand chose au fléau du chômage des jeunes, vu que les diplômés chômeurs qui font les trottoirs en face du parlement, malgré leur rêve de devenir fonctionnaires n’ont aucune chance de remplacer « ces vieux » partis à la retraite.
En réalité Othmani, comme son prédécesseur a manqué de courage pour s’attaquer aux apparatchiks qui règnent en maîtres dans les coulisses des ministères et qui auront vite fait de verrouiller les places pour les réserver à qui de droit.
Il n’y a qu’à voir ces rejetons de la haute société, bardés de diplômes bidons qui se voient confier des directions juteuses dans les offices et la haute administration pour voir que le problème se situe ailleurs, et que de toutes les façons, l’attribution des responsabilités est presque toujours tributaire du népotisme, d’intérêts partisans et non du mérite.
Puisque la plupart des postes ministériels ainsi que les grosses directions permettent souvent de favoriser l’insertion de membres de familles connues au détriment de l’ascenseur social du mérite et, le plus souvent, de l’intérêt général, autant laisser des cadres expérimentés continuer de mener la barque. Sachant que la «méritocratie», qui est le premier gage de la croissance morale d’un pays, fait toujours défaut; et il ne faut pas s’étonner si on a des hauts fonctionnaires et des directeurs aussi serviles et aussi prêts à basculer de compromis en compromissions.
Et pour les compétents, « les nuisibles », ceux qui osent bousculer l'ordre établi, toujours pour la bonne cause, qui refusent de mettre la main à la caisse, il reste la fameuse mise au placard, le cul-de-basse-fosse où l'on jette «les fortes têtes », en attendant qu’ils bouclent leurs valises pour s’exiler vers d’autres cieux plus cléments.
Abdellatif El azizi