Discours royal – « Le Zambèze et la Corrèze »

 Discours royal – «  Le Zambèze et la Corrèze »

Le roi Mohammed VI lors du discours tenu le 20 août 2017


L'événement de ce week-end au Maroc, c’est le discours royal prononcé à l’occasion de l’anniversaire de la révolution du roi et du peuple. Il a ainsi défendu en termes sévères, une politique africaine partagée entre le soutien à la consolidation de la démocratie formulée par nombre pays africains et le partenariat sans ingérence promis par le royaume. Retour sur les temps forts de ce discours.


Tous ceux qui attendaient un énième discours sur la situation sociale et un climat politique malsain, l’allocution qui allait mettre fin au gouvernement actuel, voire même l’instauration du fameux état d’urgence en ont été pour leurs frais.


Dans le réquisitoire virulent à l’occasion de la fête du trône, il avait ainsi énuméré les "maladies" affligeant la classe politique et la haute administration, que chacun prenne ses responsabilités et ceux qui méritent le gibet n’auront que ce qu’ils méritent. Clap de fin et retour à la normale, l’anniversaire de la révolution du roi et du peuple se prête plutôt à la réflexion.


Aujourd’hui, c’est l’histoire qui réclame son dû. Si on ne sait pas d’où on vient, on ne saura pas où aller et l’exercice auquel s’est plié le roi du Maroc hier, c’est justement une explication de texte en bonne et due règle pour tous ceux qui font mine d’oublier d’où on vient.


Or, peut-on penser le Maroc aujourd’hui sans dire un mot sur le passé colonial ? Car, dans notre monde dit « postcolonial », qu’on le veuille ou pas les rapports coloniaux perdurent… Au passage on notera à juste titre que le dernier rapport du Pnud, déplore le fait que « les jeunes arabes n’éprouvent plus de sentiment patriotique ».


Dans son discours prononcé à l’occasion de la Révolution du Roi et du Peuple, Mohammed VI a axé son allocution sur deux thématiques principales : le caractère exemplaire de cette révolution, un modèle pour les générations présentes et futures et surtout qu’elle fut le point de départ d’un retour définitif du royaume au sein de l’Afrique. Un continent désormais au cœur des préoccupations royales.


N’en déplaise aux Cassandres qui crient « Taza avant Gaza », le roi a eu une réponse qui balaie d’un geste cette formule clivante. « Quant à ceux qui, bien qu’au fait de la vérité, s’ingénient néanmoins à colporter nombre de mystifications, notamment que le Maroc débourserait des sommes considérables en Afrique, au lieu de les allouer aux Marocains, il est clair que ce n’est pas l’intérêt du pays qui les guide ». Il tord ainsi le cou à cette petite musique distillée avec soin selon lesquelles « l'argent du Maroc profiterait à l'Afrique plutôt qu'au royaume ».


Logique : le retour vers le continent noir ne relève pas d’un sombre calcul politicien teinté de machiavélisme mais d’une vision pragmatique de l’avenir du monde. Il est aujourd’hui communément admis que l’Afrique apparaît de plus en plus comme le théâtre privilégié où se jouera, dans un avenir proche, le devenir de la planète. Dans ce contexte, renouveler la réflexion sur une nouvelle politique des rapports avec le futur africain est indispensable.


« Axée sur une connaissance pointue de la réalité africaine, Notre politique continentale est magistralement illustrée à travers plus de cinquante déplacements effectués au cours de notre règne dans plus de vingt-neuf pays, dont quatorze ont été visités depuis octobre dernier. Elle s’articule également autour de la promotion des intérêts communs par la mise en place de partenariats solidaires gagnant-gagnant » décrypte le chef d’état.


Effectivement quand le roi, accompagné d’une délégation de 150 personnes, comprenant ministres, conseillers et essentiellement des capitaines d’industrie sillonne l’Afrique pour mettre sur pied une coopération économique, à qui profite toute cette sueur ?


Quand des boites comme Attijariwafa Bank, BMCE Bank of Africa ,Ocp, Managem, Somagec, Sothema, Cooper Pharma, IB Maroc, prennent le parti de miser à fond sur l’Afrique, comment expliquer les ambitions d’acteurs marocains solides si ce n’est par l’objectif affiché de se développer sur le continent afin de devenir des associés majeurs d’économies en construction en Afrique subsaharienne francophone et de générer des profits. Au profit de qui, si ce n’est de l’économie nationale ?


C’est dans ce tropisme africain du royaume qu’il faut interpréter son discours d’Abidjan, prononcé en février 2014 : « L’Afrique est un grand continent, par ses forces vives, ses ressources et ses potentialités. Elle doit se prendre en charge, ce n’est plus un continent colonisé. C’est pourquoi l’Afrique doit faire confiance à l’Afrique (…) A cet égard, le Maroc, qui a été pionnier dans ce schéma de coopération, est disposé à mettre au service des pays africains frères le capital de crédibilité et de confiance dont il jouit auprès de ses partenaires ».


Dans la foulée, le retour du Royaume au sein de l’UA n’est qu’un épiphénomène. « Ce retour, pour important et décisif qu’il est, n’est pas une fin en soi » explique le souverain.


La politique étrangère du royaume est déterminée par trois grands facteurs : la géographie, l'histoire et les intérêts supérieurs de la nation. Et ceux-ci restent intangibles.


Abdellatif El azizi