Discours du trône : Les quatre points cardinaux

 Discours du trône : Les quatre points cardinaux

Le Roi Mohammed VI (C) du Maroc à l’occasion du 19ème anniversaire de son accession au trône


Quelles leçons retenir du discours du trône du 29 juillet 2018 ?


Lignes rouges


Le roi fait d’abord un constat : les lignes rouges (la stabilité du pays et son intégrité territoriale) ne relèvent pas de la chasse gardée de la monarchie puisque les «  Marocains libres » ne permettront pas aux négativistes, aux nihilistes et autres marchands d’illusions d’user du prétexte de certains dysfonctionnements, pour attenter à la sécurité et à la stabilité du Maroc ou pour déprécier ses acquis et ses réalisations ».


L’allusion est claire aux conspirateurs qui cherchent à surfer sur le moindre motif de déception surtout, s’évertuent à créer n’importe quel prétexte pour encourager un climat de violence et de déstabilisation totale. Ils sont internes, à commencer par ceux qui proclament ouvertement leur ambition d’établir le califat avec à sa tête un Abbadi ou un autre islamiste du cru et à leur extrême gauche les nostalgiques du mur de Berlin ou viennent d’un proche voisinage source de tous les dangers.


Personne ne s’est jamais posé la question de savoir pourquoi des membres de Daech traversent des milliers de kilomètres pour se faire arrêter à Beni Mellal, Fès ou encore Salé ? Qui paye ces soldats de la mort, qui les a envoyés, pour quels objectifs ils veulent mettre à feu et à sang, un pays aussi éloigné du chaudron moyen-oriental ?


A ces pyromanes en service commandé, le chef de l’Etat a promis une fermeté dont on voit déjà les prémices sur le terrain, ce qui donne d’ailleurs du grain à remoudre aux Cassandres de tout poil qui voient dans cette fermeté, un tour de vis sécuritaire ou même un retour aux années de plomb pour les plus enthousiastes.


Le social, un véritable casse-tête


A partir d’Al Hoceima, (tout un symbole) Mohammed VI a fait un constat amer « J’ai le sentiment que quelque chose continue à nous faire défaut en matière sociale ». Ce n’est pas faute de moyens : « Il est insensé que plus de cent programmes de soutien et de protection sociale, de différents formats et se voyant affecter des dizaines de milliards de dirhams, soient éparpillés entre plusieurs départements ministériels et de multiples intervenants publics ». « Le manque de cohérence dans les programmes de soutien et protection sociale » sont pointés du doigt.


« Ces programmes empiètent les uns sur les autres, pèchent par manque de cohérence et ne parviennent pas à cibler les catégories effectivement éligibles ». La solution ? Le Souverain a dans ce sens évoqué la mise en place prochaine du « Registre Social Unique » (RSU), un programme social ciblant les familles qui pourront bénéficier de programmes d’appui social selon de rigoureux critères objectifs.


Vite dit, vite fait, dans la même journée, le roi a présidé une réunion avec les membres du gouvernement consacrée à l'activation des mesures contenues dans son discours en insistant sur les mesures intermédiaires à mettre en place dès la rentrée prochaine. Au menu, « le soutien à la scolarisation, le lancement de la troisième phase de l'Initiative nationale pour le développement humain (INDH) et le redressement des dysfonctionnements du système RAMED ».


Partis politiques : se régénérer ou disparaître


Qui peut encore nier que les partis politiques marocains sont en pleine déliquescence ? En principe, ces formations constituent un rouage décisif de la vie démocratique puisqu’ils ont l’obligation de traduire les attentes populaires en propositions politiques. Or, toutes les formations politiques font preuve d'une incroyable dérobade face à la réalité, fuyant le monde réel, tournant le dos à la majorité silencieuse, accusée de ne rien comprendre à rien.


Que peut-il naître sur les ruines de la vie politique dans sa version locale ? Pas grand chose sauf si ces mêmes partis politiques font le sacrifice de leur situation de rente et acceptent d’intégrer dans leurs rangs la jeunesse sur des bases radicalement nouvelles, à l'image des grandes démocraties, loin du culte de la personnalité, des dérives népotistes et de la folie carriériste. Ce qui fait dire au roi que les partis sont appelés à «  attirer de nouvelles élites et inciter les jeunes à s’engager dans l’action politique, les générations d’aujourd’hui étant les mieux placées pour connaître les problèmes et les nécessités de leur époque ».


Restaurer la confiance


Le chef de l’Etat a l’obligation de veiller à ce que les fractures sociales ne s’aggravent pas. Surtout qu’à l’heure actuelle, les deux Maroc s’éloignent dangereusement. Si le royaume est envié sur ses gros chantiers, si le Maroc donne de nouveau envie à l’international, il y a toujours un gros malaise lié à la question du pouvoir d’achat, à l’avenir bouché pour des générations entières à la question des inégalités sociales criantes entre les classes urbaines et la montagne etc.


Restaurer la confiance dans ce climat délétère est un véritable travail de Sisyphe mais le souverain pense qu’il « importe de dépasser les différends conjoncturels, d’œuvrer à l’amélioration du rendement de l’Administration et de veiller au bon fonctionnement des institutions, car, in fine, il importe de renforcer le climat de confiance et de sérénité au sein de la société et toutes ses composantes ».


Pour répondre à ces angoisses, sommes toutes légitimes, il faut surtout donner du sens et de la justice aux réformes et aux changements.


Bien sûr, face à un rendez-vous aussi attendu que le discours du trône, il y aura toujours des déçus, ceux qui s’attendaient à un coup de balai ferme au gouvernement, ceux qui misaient sur la grâce totale et sans conditions au profit des condamnés du Rif, et bien d’autres mais comme dirait Régis Debray, « gouverner, désormais, c’est gérer les émotions collectives ».


Abdellatif El Azizi