Défendre l’identité nationale
C’est la nouvelle tarte à la crème de la bande à Benkirane, la lutte contre « la francisation » de l’enseignement que le gouvernement s’apprête à rendre halal par la grâce du vote en séance plénière de la très controversée loi-cadre sur l’enseignement.
Le véritable patron des islamistes, qui n’hésite plus à menacer son alter égo qui est à la tête du gouvernement de représailles en cas de vote effectif, a retrouvé dans ce cheval de bataille éculé, une nouvelle vigueur et un nouveau thème de campagne pour se préparer aux futures législatives.
La question de l’enseignement vue par la lorgnette des langues d’enseignement, c’est le doigt fixé par l’imbécile à qui on demande d’observer la lune. Sinon pourquoi attendre la polémique sur les langues alors qu’il aurait fallu dénoncer , depuis belle lurette, la faillite de l’enseignement qui est déjà à son niveau le plus bas ?
On veut nous faire croire que cette décision hautement idéologique est un épisode de plus dans la guerre qui fait rage entre « la mafia des francophones » que certains n’hésitent plus à accuser de rouler ouvertement pour l’ancien colon français et les « défenseurs de l’identité nationale », chevaliers blancs, soucieux de préserver l’arabité et l’islamité du royaume.
Benkirane et ses affidés pensent que c’est dans les vieilles marmites qu’on réussit les meilleures recettes, mais ils oublient que les leaders de l’Istiqlal ont usé à satiété de cette grosse ficelle, eux, qui ont fait de l’arabe leur principal cheval de bataille et qui ont fini par être démasqués depuis que le petit peuple a découvert que leur progéniture use en réalité ses fonds de culotte dans les écoles de la mission française.
Pire encore, ce même Benkirane qui insiste sur le côté charnel de l’identité nationale exaltant une même langue, un même peuple et une même terre, est prêt à s’allier avec le diable du moment qu’il porte la barbe. L’internationale islamiste se soucie bien peu des identités nationales autant qu’elle rêve de les gommer totalement au profit de « la grande Oumma ».
Ceci dit, il faut bien reconnaître que la société marocaine vit bien un questionnement profond de l’identité. Et la crise économique dont les islamistes au pouvoir sont partie prenante, ne suffit pas à tout expliquer.
La fragilisation du récit national, causée par la disqualification économique et la déconstruction géopolitique et idéologique du monde arabe représentent l’une des causes de la montée en puissance des sentiments de dénigrement ou plutôt d’autodénigrement dont font preuve désormais beaucoup de Marocains, surtout parmi les plus jeunes d’entre eux.
Les inégalités sociales, une société à deux vitesses, le sentiment d’injustice profond, le blocage de l’ascenseur social et le silence, voire la complicité des intellectuels ont fait perdre espoir en l’avenir et provoqué l’inhibition du sentiment national.
Le Marocain, un individu sans appartenance, condamné au désespoir et à l’errance a acquis désormais une mauvaise conscience identitaire qui pousse au déracinement et provoque l’exil réel ou imaginaire. Trouver un Marocain fier de l’être, relève désormais de l’exploit.
Le problème est que nous sommes confrontés à des entrepreneurs politiques, du côté du fondamentalisme islamique qui essaient d’exploiter des difficultés tout à fait réelles de fragmentation de la société marocaine pour créer un affrontement.
Alors que les politiques censés, s’il y en a encore ; devraient plutôt réfléchir au sens que l’on veut donner à l’identité marocaine et surtout comment sortir de la logique victimaire, de la remise en cause et du dénigrement de l’idée nationale qui menace désormais le fameux « vivre-ensemble ».