Bloqué(e)s : #1 Les touristes dans l’attente d’un hypothétique retour

 Bloqué(e)s : #1 Les touristes dans l’attente d’un hypothétique retour


Le premier ministre, Edouard Philippe a annoncé le rapatriement de 160 000 personnes de l'étranger. Pourtant, la fermeture des frontières aériennes entre la France et le Maroc le 16 mars a laissé sur le tarmac des milliers de Français et MRE. Témoignages choisis de touristes français qui attendent un retour en Hexagone.


 


Malade du COVID19 et confinée dans l'attente de résultats négatifs


La quarantenaire Stéphanie Rousseau, commerciale dans le négoce de vins, est arrivée en vacances de Bordeaux à Marrakech le 5 mars dernier. Elle se rend à l'aéroport, le 14 mars pour son vol retour. Une foule dense se retrouve là en ce jour de fermeture des frontières. Son vol annulé, elle rentre dans son appartement à Marrakech, essayant de trouver un autre billet. Entretemps, elle a attrapé le COVID19. "Je n'ai pas été bien pendant 2 à 3 jours aux alentours du 22 mars. Je pense que je l'ai chopé à l'aéroport avec la foule. J'ai été diagnostiquée le 27 à l'hôpital. A partir de moment-là, j'ai été gardée jusqu'à l'obtention des résultats." Soignée au protocole de chloroquine à partir du 30 mars, elle fait un malaise et arrête son traitement 5 jours plus tard. "J'ai été soignée à l'hôpital La Mamounia qui est déplorable à tous les niveaux. Je suis allée ensuite dans un autre hôpital pendant une dizaine de jours. Maintenant, je suis au centre de vacances de la CNSS en attendant les résultats des tests." En effet, elle ne peut sortir pour le moment tant que les tests sérologiques ne sont pas négatifs. "Même si vous allez bien, il faut 2 tests négatifs consécutifs pour pouvoir sortir. Je dois en faire un aujourd'hui." Depuis son inscription sur le site Ariane, elle assure que le consulat l'a appelée 2 fois demandant de ses nouvelles. "Ils savent que je suis à l'hôpital. Nous manquons d'informations et le service consulaire a été aux abonnés absents." Et Stéphanie n'est pas au bout de sa peine. Après l'obtention de ses deux tests négatifs, elle devra attendre 3 semaines de plus en confinement à l'hôtel ou chez elle. "La question de la prise en charge n'est pas claire. Mes amis marocains m'ont dit que le Royaume assurait les frais pour les personnes malades. Est ce qu'il le fera aussi pour nous les Européens ?"


 


"Je ne connais personne au Maroc"


L'assistante maternelle lyonnaise de 58 ans, franco-algérienne, Abla Mouaamari est venue avec des amies pour une visite à un cheikh dans le village d'Al-Aroui, près de Nador. Après l'annulation de son vol le 24 mars, elle est hébergée par le cheikh dans la zaouia Karkariya depuis le 7 mars. "Je connais personne au Maroc tout comme mes amies. Le cheikh a eu la générosité de nous héberger et nous alimenter mais il a 7 enfants. C'est dur aussi pour lui !" Sans ressources dans un pays étranger et un village excentré, elle n'a aucune nouvelle de la part du consulat ou de l'Ambassade.


 


"Soyez patients. Bon courage !"


Originaire de Pau, le retraité Jean-Louis Llorca est un grand habitué du Maroc où il vient 2 à 3 fois par an. Arrivé le 7 mars à Marrakech, il devait retourner en France le 21. Dés les premières annonces, il sent qu'il doit rejoindre l'Hexagone et se rend au consulat de France à Marrakech le 14 mars.  "Nous étions à peine 3 devant le consulat. On nous a conseillé de prendre un billet et de partir de suite. Ils m'ont donné un papier pour pouvoir laisser le véhicule avec lequel je suis venu au Maroc. J'ai pris un billet qui a finalement été annulé 3-4 heures après." Commence alors un périple sur les conseils de plusieurs personnes. Il se rend à Casablanca, pour un vol à 17h00 "qui sera annulé une heure avant." Au consulat de Casablanca, on leur assure qu'il y a une possibilité de prendre un bateau à Ceuta. Arrivée à l'enclave espagnole, il trouve portes closes. Retour à Casablanca chez des amis. Souffrant d'un glaucome, il n'a pour l'heure pas trouvé son médicament pas même sous sa forme générique au Maroc. Patient, il attend toujours des nouvelles du consulat. "Ils m'ont appelé deux fois avec des paroles très sympathiques mais avec toujours la même réponse : "Soyez patients. Bon courage !" Espérant pouvoir rentrer en voiture, le consulat leur a indiqué que la compagnie GNV allait assurer une liaison Tanger-Sète le 16 mai. Sur son billet, apparait en motifs gras : "Sans aucune garantie." Prenant son mal en patience, il garde en mémoire l'hospitalité marocaine. "Le Maroc est très vigilant et accueillant. Je ne peux que dire des mercis à tous les marocains qui nous ont aidés."


 


"Si mon colis de médicaments n'arrive pas aujourd'hui, je dois partir en urgence" 


Olivier Crespi, travailleur indépendant de 44 ans à Nice, est arrivé au Maroc le 3 mars dans un cadre touristique. Installé à Marrakech dans un appartement qu'il a loué, il était censé rentrer sur la Côte d'Azur le 16 avril. "Tout allait bien jusqu'à mon départ un samedi à Essaouira. Le Maroc a décidé de fermer durant la nuit de samedi à dimanche, le transport inter villes. Or je suis sous médicaments antirejet à la suite d'une greffe. Ceux-ci sont restés dans l'appartement à Marrakech. Je suis allé voir le commissariat, le préfet, le responsable des affaires touristiques pour pouvoir rentrer dans la ville ocre. Le caïd m'a autorisé à revenir à Marrakech en voiture privée." S'il est rassuré sur la possibilité de rester dans l'appartement qu'il a loué, son inquiétude grandit sur son approvisionnement en médicaments. "Ma soeur m'a envoyé des médicaments de France. Ils devaient arriver aujourd'hui ou demain. C'est ce qui va déterminer si je reste au Maroc ou si je me rapproche de l'Ambassade. J'ai de quoi tenir jusqu'à la fin de la semaine." Cette question sanitaire l'a poussé à attendre pour s'inscrire sur la liste Ariane de l'Ambassade de France. "Je suis mieux au Maroc qu'en France, car il y a moins de cas au Royaume. Mais tous mes médicaments ne se trouvent pas sur le marché marocain. L'un d'entre eux est même vital. Je me suis renseigné. Ceux qui existent ici valent 6000 dirhams (600 euros) et il manque certains d'entre eux !"


 


"J'ai peur qu'il ne reçoive jamais ses médicaments"


Salima Benahmed est franco-algérienne. Son père est parti le 29 février en voiture depuis Perthuis dans le Vaucluse.  "Mon père est un amoureux du Royaume et y part régulièrement. Il peut y aller 15 jours, un mois, etc.. Il était prévu pour cette fois-ci qu'il rentre au bout de 15 jours et il s'est retrouvé coincé. Il ne peut rentrer actuellement sans son véhicule." Sa location dans le petit village d'Azrou où il réside a été prolongée. "Je l'ai enregistré sur Ariane. J'ai écrit à plusieurs députés. Il est dans les listes de transférables." Son père, malade des poumons a un traitement et économise ses médicaments, en ne les prenant qu'un jour sur deux. “Le traitement n'existe pas à Azrou et il a de quoi tenir maximum un mois. S'il a une crise, c'est directement l'hospitalisation. J'ai peur qu'il ne puisse pas être pris en charge. J'ai tenté de lui envoyer les médicaments mais j'ai peur qu'il ne les reçoive jamais." Pour l'instant, les liaisons maritimes fonctionnent au compte-gouttes et sont soumis à de nombreuses autorisations. Un bateau de la compagnie maritime GNV reliant Tanger à Gènes a transporté hier uniquement les camping-cars. Celui entre Tanger et Barcelone a été repoussé pour la date du 5 mai 2020, selon les informations de nos confrères de camping-car magazine.


 


"Je vais perdre mon chantier à Perpignan"


Parti de Saint Louis à la Réunion pour travailler sur les ouvrages d'art (viaducs, etc..) en Métropole, Teddy Soutoul, père de 4 enfants voulait prendre 10 jours de vacances après un chantier. Il est venu au Maroc le 7 mars. "J'ai cherché à prendre des billets pour le 15. J'ai réussi à en avoir un pour le 30 mars qui a été annulé. Même chose pour ceux du 4, 5, 6 mai. J'ai pu avoir un billet pour le 1er juin mais qui n'est pas sûr." Installé à Azrou chez un ancien collègue de travail, il attend de pouvoir rentrer. Déplorant que le consulat de Fès ne soit pas "au courant de grand chose", il estime être dans le "flou total." Son employeur qui l'attend pour un chantier à Perpignan à partir du 11 mai, lui a signifié qu'il se trouverait sans contrat en cas d'absence. "Ce qui me choque, c''est qu'Edouard Philippe a parlé des 160 000 rapatriements sans avoir un mot pour ceux qui sont encore bloqués. Je pense qu'au Maroc, on doit être encore quelques milliers."


 


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