Bas les masques !
« Toi ! Non c’est toi » ! Les accusations mutuelles de « traîtres» à la monarchie qui secouent le Pjd et le Pam par Hamiedinne et Biadillah interposés a quelque chose de puéril. « L’institution monarchique, dans sa forme actuelle, est un obstacle au développement », la phrase prononcée par Abdelali Hamieddine a même poussé Othmani à se désolidariser de la vedette des islamistes pour montrer patte blanche au palais.
Le plus grave, c’est que l'attitude de ces hommes politiques fait douter de la légitimité du combat politique qu'ils mènent. La défense de la monarchie (en tant que facteur de stabilité) apparaît-elle comme une exigence plausible, et une cause digne d'estime, quand des responsables s'abandonnent avec tant d'archaïsme à la surenchère des mots au bénéfice d'une institution qui n'a rien demandé ?
Personne n’est dupe, dans cette courtisanerie qui appartient à une autre époque, l'excès dans l'éloge est consubstantiel aux perspectives d'avenir qu'on se prête et aux positions dont on rêve. Derrière l’indignation, le calcul et sous la flatterie l'opportunisme. Sous les mots, la critique intéressée. La flagornerie dont ont fait preuve les uns et les autres a quelque chose d’indécent dans la mesure ou ni la gauche dont est issu le PAM, ni les islamistes au pouvoir (comme les autres d’ailleurs) ne sont crédibles dans leur indignation.
Les uns comme les autres ont toujours caressé le rêve d’un grand soir où, ils auraient le choix entre, la « dictature du prolétariat » exercée par quelques caciques du parti unique ou un califat sur mesure pour les barbus du cru. Sans la monarchie, bien entendu. « Quand il y a du flou, c'est qu'il y a un loup », dans ce Maroc d’aujourd’hui, grisés par un printemps arabe qui n’en finit pas, beaucoup de loups courent encore.
Pour le Maroc, le « loup », c'est l'incapacité à quitter, peu ou prou, un modèle d’allégeance basée sur des intérêts immédiats, un modèle dévoyé par l’outrance et l’addiction aux privilèges. Des "avantages acquis" qui ont pénétré profondément les cœurs de la classe politique. Malheureusement, « les progressistes » de la gauche rance et les populistes de l’islamisme pratiquent la même théorie de la dissimulation. Pour servir leur cause, les uns comme les autres n’ont aucun scrupule à pratiquer le mensonge le plus abject pour cacher leurs véritables desseins.
Si chez les fondamentalistes « il est justifié de mentir » en public, pour infiltrer la société, pour placer leurs hommes au sien de l’appareil, pour se préparer au califat, dans le privé, dans les cénacles fermés, on casse allégrement du sucre sur « une monarchie médiévale ».
Il est significatif qu’au sein du PJD, les accusations ont porté sur la responsabilité de ceux qui ont médiatisé les propos de Hamiedinne et non pas sur le fond de sa pensée.
Chez les anciens gauchos du PAM, « la taqia » est pratiqué aussi allègrement, il n’y a qu’à voir comment Ilyas Omari s’est érigé en virtuose du double discours, révolutionnaire antimonarchique en privé et défenseur du trône devant les caméras. Un discours pour le peuple, une indignation à géométrie variable électoralement payante et une langue de bois taillée sur mesure pour les cérémonies officielles.
Néanmoins, cette crise délivre une salutaire pédagogie. Il revient aux intellectuels(s’il en reste encore) et aux politiques de dissiper, à leur tour, cette ambiguïté verbeuse qui endort les peuples et décourage l'opinion.
Lorsque l’on veut se poser en gardien du temple, il faut avoir le souci de l’Etat, des institutions, du peuple et du respect qu’on leur doit, bref il faut être irréprochable.
Combien de Marocains remâchent les défauts d’un système exploités à fond par nos démagogues en ignorant les fruits considérables de la construction du pays et la mise en place d’institutions solides alors que des pays voisins plus riches et mieux dotés par la nature sont désormais plongés dans le chaos ?
Et l’élite dans tout cela ? Elle cultive le sentiment et même le ressentiment que les incompétents qui sont au pouvoir ne représentent désormais plus personne sauf eux-mêmes mais se complait dans l’attentisme et n’hésite pas à crier avec les loups quand l’occasion se présente. Ceux qui ont boycotté Mawazine ne se recrutent d’ailleurs pas dans la plèbe mais plutôt dans le carré VIP.
Ceux qui croient que les échos de la rue ne remontent pas jusqu’au palais se trompent sur toute la ligne, ils oublient qu’un véritable chef d’état agit, avant tout, pour poser les fondements d’un état, au bénéfice d’une évolution qui apparaît nécessaire autant que difficile.
Le monarque a une vision, il reste fidèle à sa façon de faire de la politique, celle d’un dirigeant qui rêve l’impossible pour réaliser le possible. « Il faut donner du temps au temps » et le temps de la monarchie n’est pas celui des politiques.
Quand les gesticulations des politiques servent uniquement les intérêts de ces mêmes hommes politiques, la politique ne sert qu’au maintien au pouvoir. Pour le roi, cette question ne se pose pas, surtout lorsqu’on est au pouvoir depuis 13 siècles et que l’on a une bonne dose de confiance en sa bonne étoile.
Abdellatif El Azizi