Analyse- Crime d’Imlil: Pourquoi tant de haine ?
Pourquoi tant de haine et pourquoi a-t-on autant de difficultés à comprendre les véritables motivations du terrorisme islamiste ? On ne reviendra pas sur la genèse de Daech puisque grâce à Julian Assange à travers WikiLeaks, on est maintenant certain que c’est bien la CIA qui est à l’origine des groupes terroristes Daech et Al-Qaïda mais l’interrogation qui nous taraude, c’est pourquoi derrière tout attentat, au sein de toute tentative de provoquer le chaos, il y a un ou des Marocains ?
Est-ce que cette comptabilité macabre a une explication et ces morts ont-ils un sens même si jusqu’à présent, par lâcheté ou par paresse intellectuelle, on a refusé de voir les véritables raisons qui poussent (pour ne citer que cet exemple) ces jeunes à sacrifier ces deux jeunes filles à l’innocence immaculée dans les montagnes d’Imlil sur l’autel du dieu daechien.
Ces Marocains ne viennent pas de nulle part, ils sont les fils naturels de la politique marocaine, les rebuts de l’éducation nationale et, accessoirement, des monstres nés à l’ombre d’une certaine vision de la religion.
Pour bien comprendre, il faut quitter le terrain de la géopolitique pour celui de la psychologie.
Depuis les attentats du 16 mai à Casablanca, il se trouve que dans le cadre de plusieurs enquêtes j’ai rencontré des dizaines de salafistes. On passera sur le QI de ces barbus de fraîche date, dont la plupart ont déserté très tôt les bancs de l’école mais ce qui est certain, c’est que chacun d’eux a rencontré au moins une fois dans sa vie, un prêcheur de la haine dont certains avaient même pignon sur rue au cours des années 70 et 80.
Résultat, tous ceux qui ont fait allégeance à la radicalité ont reçu dans leur environnement le plus immédiat le prix d’encouragement.
Les terroristes ne tuent pas sans raisons ni sans raison, le fondement de leurs crimes; donc une certaine forme de légitimité vient de la vision de la religion qu’ils ont biberonné à l’école coranique avant de parfaire leur manuel du parfait radical dans les écoles de pensée de « la barbarie saoudite » comme on l’a si bien nommée.
Le djihadiste, quand il égorge Daniel Pearl, Hervé Gourdel ou les moines de Tibéhirine ou encore les deux jeunes scandinaves, tue parce qu’il considère que ces gens-là sont des « kouffars », des athées dont il a le devoir de débarrasser la terre. Son acte est en conformité avec les préceptes de la religion wahhabite (à ne pas confondre avec la religion musulmane). Si de plus, cela lui permettra de forniquer légalement avec une armée de vierges au paradis, pourquoi se priver ?
Disons le tout de suite, au Maroc, le radicalisme est une importation. Si la barbarie est l'ADN des terroristes, elle est le cancer de la galaxie islamiste. Une partie des islamistes qui font le sale boulot pour leurs commanditaires saoudiens est aujourd’hui au pouvoir. Le PJD, pour ne pas le nommer a un ancêtre, la Chabiba islamiya (organisation armée) ou Benkirane a fait ses premières armes et il nous faut reconnaître qu’il n’y a pas d’islamistes modérés, il n’y a que des salafistes qui attendent le grand soir.
Bien sûr, ces islamistes endimanchés condamnent la violence mais ce sont eux qui caressent toujours le rêve de contrôler à la fois l’Etat et la société et distillent le poison de l’intolérance dans la société. Ils ont cela de commun avec les organisations totalitaires la volonté de domination, sur tous les aspects de la vie quotidienne, des gens ordinaires, des femmes et le mépris de l’Etat-nation.
Ce qui compte aux yeux de tous les islamistes est la Oumma, c’est pour cela que les caciques du PJD sont chez eux en Turquie ou encore en Arabie saoudite, la Mecque du wahhabisme qui a gaspillé des milliards pour venir à bout de cet Islam marocain, teinté de soufisme, de traditions berbères et du culte des saints, mais qui était marqué par l’hospitalité, l’amour de l’autre et la tolérance.
A l’époque et dans sa peur de se voir dévorer par le loup marxiste, l’Etat a laissé faire, trop content de trouver dans les barbus un allié de taille face à l’ennemi.
En tournant le dos à cette asymétrie morale des guerres menées par les salafistes radicaux en cours, on retarde la compréhension du phénomène et les moyens de le faire reculer. Pourtant, les solutions existent, à commencer par un travail de fond qui permettrait de proposer aux marocains (n’en déplaise aux laïcards sur le retour, 93 % des Marocains se disent musulmans selon le sondage WIN/Gallup International), à partir des mêmes textes religieux, une pratique de l’Islam adaptée à l’époque actuelle pour tordre le cou définitivement à cet écartèlement entre le passé et le présent. Une des conditions sine qua non pour libérer la pensée musulmane de l’emprise wahhabite, c’est la réhabilitation de la pensée créatrice et rationnelle.
Cela passera nécessairement par un travail sur la pensée musulmane dans l'objectif d'une révision des concepts qui ont entouré les pratiques d’une religion figée où personne ne s’est donné la peine de prendre avec des pincettes le passé de l'islam car il s’agit plutôt d’avenir.
Si la tâche de proposer des pistes appartient à ceux qui portent cette religion, des intellectuels bienveillants et des islamologues éclairés, les penseurs qui proposent une nouvelle manière de comprendre et de pratiquer un islam qui n'est pas celui d’hier, mais celui de demain ne sont pas légion, mais ils continuent à avoir beaucoup de difficultés à défendre leur vision d’un Islam éclairé.
Si une formation des imams aux valeurs universelles et à la démocratie, est certainement indispensable, il ne faut pas trop compter sur eux pour défendent les valeurs de la modernité, car jusqu’à présent ils se contentent de lire à voix haute les textes insipides que leur impose le département de Mr Ahmed Taoufiq sans se départir d’une arrogance qui cache beaucoup d’ignorance.
Toute réforme qui ne s’attaque pas en profondeur aux clichés sur la femme, le djihad, les relations avec l’autre, le non musulman est vouée à l’échec même avec la plus sincère des volontés.
Constatant la détermination des jeunes recrues de la mouvance islamiste, on ne peut que rêver la guérison totale la schizophrénie d’une jeunesse biberonnée de modernité à travers les réseaux sociaux mais qui se voit proposer une vision de l’Islam et des pratiques qui remontent au VII ème siècle.