Marche contre l’antisémitisme : le bal des hypocrites
On passera sur les coups sous la ceinture portés par le Rassemblement national (RN) au parti d’Emmanuel Macron, des députés du Front national harangués par une Marine Le Pen, qui a appelé, mercredi, toute honte bue, « l’ensemble de [ses] électeurs » à se joindre à la mobilisation après avoir confirmé sa présence et celle de son fidèle lieutenant, le président du RN Jordan Bardella, choisi spécialement pour mettre le mors aux nombreux membres du parti d’extrême droite qui ne cachent pas leur « haine du juif » pas peu fiers de l’héritage du fondateur du Front national.
Pour ceux qui ne le savent pas encore, Jean-Marie Le Pen après sa condamnation par le tribunal de Nanterre pour sa déclaration le 13 septembre 1987, à propos des thèses niant la réalité de l’existence des chambres à gaz, a enfoncé le clou le lendemain sur les ondes de RTL en déclarant que : « Je crois que c’est un point de détail de l’histoire de la Deuxième Guerre mondiale » !
On oubliera aussi les hésitations du Parti Socialiste soucieux de ne pas paraître comme le mouton noir de l’antisémitisme mais trop gêné de parader auprès des « capitalistes » estampillés « Les Républicains », on fera également semblant de croire aux pleurs des députés devant l’hémicycle.
Droit dans ses bottes, le seul à avoir décliné l’invitation, c’est Jean-Luc Mélenchon qui avait d’ailleurs mis un point d’honneur à être présent avec ses camarades Insoumis, aux manifestations appelant à un « cessez-le-feu » immédiat à Gaza, où se déroule selon lui « un massacre épouvantable » en raison des bombardements israéliens.
Sur la question juive, bien sûr que la France est antisémite et la montée de l’antisémitisme dans l’Hexagone n’a pas attendu la guerre en Israël/Palestine pour lui lâcher la bride au cou. On peut s’amuser à comptabiliser les actes antisémites en France, mais le décompte serait incomplet si on n’y intègre pas les agressions contre les arabes et les musulmans, qui font partie de la race des sémites.
Comment effacer cette image désastreuse dans un pays qui compte la plus grande communauté juive d’Europe ? En prenant soin justement d’éviter les polémiques.
En tout état de cause, l’appel à une grande marche, le dimanche 12 novembre, contre l’antisémitisme, si elle « n’est pas un meeting politique », comme s’en défend Gérard Larcher, de quoi est-elle le nom ? Les présidents des deux Chambres du Parlement vont-ils finir par regretter l’improbable consensus au sein d’un monde politique pris au dépourvu par une initiative qui tombe au plus mal, surtout quand la presse française a aujourd’hui du mal à zapper les images d’horreur qui nous proviennent de Gaza ?
Et précisément au moment où plusieurs rassemblements de soutien à la Palestine sont organisés partout en France, pour dénoncer « le deux poids, deux mesures » qui fait qu’on continue un mois après à se focaliser et à dénoncer les « crimes horribles du Hamas » alors qu’on ne pipe pas mot sur le méticuleux massacre des enfants, des femmes et des vieillards palestiniens avec une cadence qui donne le vertige.
Il semble ainsi qu’en France, un mort israélien ne vaut pas un mort palestinien et si personne ne nie l’atrocité des violences commises par le Hamas sur des populations civiles israéliennes innocentes, ceux qui ont dénoncé ces crimes devraient être en mesure de dénoncer également le terrorisme de l’état hébreu qui « terrorise » désormais les populations civiles sans leur donner la moindre chance d’échapper au déluge de feu qui ne cesse ni la nuit ni le jour.
Où sont les intellectuels français censés demander au gouvernement d’Emmanuel Macron d’appeler à un cessez-le-feu immédiat ? Où sont les belles âmes de l’Hexagone qui nous ont habitués aux paroles mielleuses sur « une humanité partagée et sur le devoir de protection sacré de la vie humaine quelle que soit, l’origine, la race ou la religion » ?
De par son parti pris, de par le silence de ses élites, de par la propagande israélienne relayée sans vergogne par les médias français, la population civile palestinienne – près de deux millions de personnes dans la bande de Gaza piégées par des bombardements massifs, soumis à des déplacements forcés et à un blocus total sans eau, sans nourriture, sans électricité, des hôpitaux rasés, en l’absence de matériel médical et, cerise sur le gâteau l’interdiction d’internet-, est présentée de manière totalement déshumanisée.
Pourtant, dès les premiers jours du déluge de feu israélien sur Gaza, tous les experts internationaux des ONG de défense des droits de l’homme ont mis en garde contre ce génocide qui se déroule sous nos yeux.
Enfin, face à tant de sauvageries, y-a-t-il encore des mots pour décrire l’indicible ? Que valent nos articles, nos prises de position, notre colère de simples humains révoltés par l’horreur, quand le monde entier se délecte de la mort des innocents ? Quand tous les chefs de guerre de l’Occident mettent leurs armées, leurs porte-avions, leurs mercenaires au service de l’armée de l’occupant pour éradiquer totalement l’occupé dans une course contre la montre pour ne pas être dérangés par les quelques voix éparses qui se mobilisent ça et là pour crier une douleur inaudible ? Quand les chefs d’Etat arabes tournent la tête pour ne pas entendre les gémissements de faim des bébés et les cris de douleurs des blessés, quand les puanteurs des cadavres en décomposition sous les décombres ne perturbent en rien le sommeil profond des dirigeants du monde ?
Reste l’espoir que la résistance palestinienne finisse par convaincre ce monde qu’il n’y a pas d’autre issue que la libération de la Palestine, que la solution à deux états est une garantie de sécurité pour tout le monde, que l’Apartheid d’Israël n’a plus d’avenir. C’est un peu ce que tentent de faire « les Guerrières de la Paix » qui se proposent de présenter un programme pour la paix le 14 novembre à l’Institut du Monde Arabe. Une délégation de femmes palestiniennes, israéliennes, ouïghours, ukrainiennes, russes, iraniennes… qui ne cessent de multiplier les appels à la paix, à la justice et à l’égalité et qui, envers et contre tout, militent aujourd’hui encore pour la paix.
Alors là, autant écouter Nizar Qabâni quand il dit :
« Ô Quods, ô ma bien-aimée,
Demain, les citronniers fleuriront,
Et les oliviers se réjouiront.
Et tes yeux riront,
Et les oiseaux migrateurs reviendront
Sur tes toits immaculés ;
Et tes enfants, à nouveau, joueront,
Et les pères et les fils se retrouveront,
Sur tes collines exaltées.
Ô mon pays,
Le pays de la paix et des oliviers. »