Maghreb – L’offensive des services secrets iraniens

 Maghreb – L’offensive des services secrets iraniens

Le président iranien Ebrahim Raisi, à Téhéran, en Iran, le 13 juillet 2022. Présidence iranienne/Document / Agence Anadolu / Agence Anadolu via AFP

Maghreb. Toute la zone de l’Afrique du Nord, de Rabat à Tripoli, est le théâtre d’une gigantesque partie d’échecs à l’initiative des États-Unis. Face à l’émergence des mollahs en territoires maghrébins par Hezbollah interposé, Washington a noué avec le Maroc des relations de coopération qui peuvent s’apparenter aujourd’hui à une alliance militaire de fait. L’objectif évident des États-Unis est d’endiguer l’influence de l’Iran dans cette région sensible de l’Afrique, du fait de sa proximité avec l’Europe.

 

L’intérêt de l’Oncle Sam pour le royaume qui vient de se concrétiser par la décision des États-Unis d’accorder une aide militaire au Maroc au titre de l’année budgétaire 2023 concerne certes aussi Israël et les six pays du Conseil de coopération du Golfe, ainsi que le l’Égypte, la Jordanie et le Soudan, mais elle va désormais bien au-delà de la bonne vieille main tendue aux alliés de la région. Et ce n’est d’ailleurs pas un secret, les États-Unis ont bien précisé que cette aide vise essentiellement les pays se trouvant sous la menace directe ou indirecte de l’Iran.

Menace réelle ou simple fantasme ?

Dans une version du rapport relatif au National defense authorization act for fiscal year 2023 (NDAA-FY23) publié par le Sénat américain le 28 juillet 2022, on peut constater que « les fonds affectés à cette rubrique, y compris pour l’assistance à l’Egypte, à la Jordanie, aux Emirats arabes unis, à Bahreïn, au Soudan, au Maroc et à tous les pays membres du Conseil de coopération du Golfe, devraient être utilisés pour établir des réseaux intégrés de défense aérienne entre ces pays et Israël, notamment pour contrer les attaques de missiles et de systèmes d’avions sans pilote par l’Iran et ses milices  mandataires ».

Une version confirmée d’ailleurs par les services marocains qui ont démontré, preuves à l’appui, l’existence d’un rapprochement irano-algérien en vue de former les milices du Polisario par des instructeurs mis à disposition par le Hezbollah libanais au maniement des drones et bien d’autres joyeusetés concernant la guérilla « en territoire ennemi ». Ces relations militaires entre le Polisario et le Hezbollah, classé comme groupe terroriste par l’administration américaine, sont d’ailleurs coordonnées par l’ambassade de la République islamique d’Iran à Alger.

A la manœuvre, les Pasdaran chargés d’assurer la sauvegarde idéologique et concrète du régime, grâce notamment aux ressorts de la guérilla politique interne et externe, mêlant savamment action politique, militaire, propagande et incursions en terrain ennemi. Dans cette configuration, le Bureau des affaires politiques mène une intense réflexion idéologique radicale dont les ennemis sont clairement désignés « les juifs avec une mention spéciale pour Israël, les humanistes, les occidentaux, et même les musulmans sunnites » .

Selon les informations recueillies au cours de mon dernier voyage en Iran, la « jeune garde » des Pasdaran et des bassidjis ne bénéficie guère de la sympathie des mollahs. Alors que les leaders religieux sont à fond dans l’eschatologie mystique focalisée sur le retour de l’imam caché, les pasdarans plus pragmatiques, se concentrent sur les défis actuels, à savoir comment permettre à l’Iran de retrouver la puissance de la Perse antique et surtout de frapper les ennemis là où ils sont.  Les premiers se sentant investis d’une mission eschatologique en raison « de l’imminence du retour du Mahdi ( Imam al-Asr , l’Imâm « du Temps ») ou Sahib az-Zaman (« Seigneur du Temps » autrement dit le douzième imam dit « imam caché » parce qu’il est censé réapparaître avant la fin des Temps ; les autres, plus soucieux de préserver et de promouvoir la raison d’État, privilégient la guerre irrégulière, considérée aux yeux des Pasdaran comme le meilleur moyen de défendre les intérêts nationaux.

Pourquoi les services du royaume doivent prendre la menace iranienne très au sérieux ? Pour une raison qui vaut son pesant d’or. Si hier, Téhéran cherchait à déstabiliser le royaume pour des raisons idéologiques (disputer au Maroc son leadership religieux sunnite sur l’Afrique ), aujourd’hui la motivation est encore plus forte avec le rapprochement entre le Maroc et l’Etat hébreu, ennemi juré des Ayatollah. Pour s’en convaincre, il suffit de voir les moyens logistiques et humains iraniens saisis par les services turcs à Istanbul il y a quelques jours de cela. Ces Iraniens soupçonnés de préparer des attaques en Turquie contre des ressortissants israéliens ont été arrêtés et écroués à Istanbul.

L’arsenal saisi aux domiciles où séjournaient les agents iraniens (qui se faisaient passer pour des touristes, des hommes d’affaires ou encore des étudiants), trois fusils, trois pistolets silencieux, 42 balles, des drogues de divers types, six faux passeports, de l’argent liquide et du matériel informatique démontre l’ampleur des attentats qui devaient être commis contre des citoyens israéliens.

Et qu’on ne vienne pas nous dire que rien ne nous oblige à̀ aligner notre politique dans la région sur celle des États-Unis. Pour une seule raison, un dialogue direct avec Téhéran est impossible, le royaume a, à plusieurs occasions, ouvert le dialogue (et l’ambassade qui va avec) avec les mollah et fait un effort de compréhension des « lignes rouges » de l’Iran, car la diplomatie, c’est parfois parler avec le diable si nécessaire mais cet exercice de réalisme n’a pas permis de parvenir à un modus vivendi avec les héritiers des Perses. Plus enragés que jamais depuis que le royaume a repris langue avec ses juifs installés en Israël. Après tout, même si les hyènes aboient, la caravane passe.