« Made in Sarcelles », le collectif pour redorer le blason de la ville
Le collectif « Made in Sarcelles » est né en 2015, avec un objectif simple : redorer l’image de cette banlieue populaire du Val-d’Oise. Du 17 au 19 février, il organise trois journées de débat sur le hip-hop. Rencontre avec Nabil Koskossi, militant associatif, un des membres fondateurs.
LCDL : Comment est né « Made in Sarcelles » ?
Nabil Koskossi : Sur une terrasse d’un café de la ville ! Début 2015, on était posé à Sarcelles avec Frédéric Bride (NDLR : ancien manager du collectif de rap Secteur A) et Eric Aït Si-Ahmed, alias DJ Desh, (NDLR : fondateur du groupe de rap Ministère Amer), et on a compris qu’il était urgent de créer ce collectif.
Nos objectifs sont simples : l’organisation d’événements culturels en favorisant la participation des habitants ainsi que la défense et la valorisation du patrimoine de Sarcelles.
Avec Frédéric et Eric, on se connait depuis notre enfance et on a un point commun : un amour inconditionnel pour notre ville.
On sent une fierté d’être de Sarcelles…
Exactement. Ici, c’est comme à Marseille. On est Sarcellois avant tout.
Ce n’est pas comme dans certaines villes de banlieues où certains habitants préfèrent dire qu’ils sont Parisiens. Nous, on revendique haut et fort notre identité sarcelloise.
Sarcelles a produit de grands artistes, les rappeurs Passi et Stomy Bugsy, le chanteur de Kassav Jacob Desvarieux (qui a longtemps vécu ici), le footballeur Riyad Mahrez, etc.
Vous dites que ce collectif s’est créé dans l’urgence…
Effectivement. Sous l’ancienne municipalité, la ville de Sarcelles s’est dégradée et surtout pour les habitants du Grand Ensemble. Le Grand Ensemble qu’on appelle aussi Lochères, est l’un des plus grands quartiers de France, avec ces 12 000 logements. Il est à l’écart du village de Sarcelles. 37 000 personnes y vivent, dont les plus pauvres.
Pendant 20 ans, dans la cité du Grand Ensemble, nous sommes restés sans cinéma, sans librairie, sans salle de concert…
Quand on était des gamins, il y avait un centre culturel en plein cœur de la cité, nous partions en colonies de vacances, etc. A l’époque, la mairie était communiste. Tout a été vendu.
Comme le Forum des Cholettes ?
Oui, c’était la salle mythique des débuts du hip-hop. Elle a été fermée en 1999 pour cause d’amiante, puis laissée volontairement à l’abandon. Au lieu de faire les travaux de désamiantage, la municipalité l’a vendue à Bouygues qui a construit 250 logements.
On s’est battu pourtant pour empêcher ça. En vain. La ville a détruit ce bel espace culturel, symbole de rencontres, qui était accessible à tout le monde.
Pendant ses mandats, l’ancien maire a tout fait pour dévaloriser notre quartier. Tous les lieux culturels ont été construits au village, rien dans notre cité.
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Quels ont été les projets mis en place par le collectif « Made in Sarcelles » ?
Quelques temps après la création du collectif en 2015, et de manière autonome, on a organisé le 60e anniversaire du Grand Ensemble, autour d’une projection de film et d’une exposition photographique. Une centaine de personnes étaient présentes.
Régulièrement, Ariel Cypel, propriétaire d’un théâtre à Paris nous met à disposition son lieu pour mettre en avant nos artistes sarcellois.
Nous avons également aidé Philippe Hamon, un photographe sarcellois hyper talentueux qui a photographié tous les plus grands artistes, de Mick Jagger à Freddie Mercury en passant par Boy George, ou nos stars locales, Passi, Stomy Bugsy, etc., à exposer dans une galerie prestigieuse parisienne, la galerie Joseph, un endroit gigantesque, 800 m2 en plein cœur de Paris.
En septembre dernier, on a organisé les premières journées du patrimoine dans le Grand Ensemble, afin de valoriser notre quartier. On a posé des plaques informatives sur les grandes statues en acier qui sont éparpillées un peu partout dans notre cité. Les habitants doivent être fiers de leur quartier.
Quels sont les nouveaux projets du collectif ?
On prépare déjà les journées du patrimoine de l’année prochaine. Nous travaillons en ce moment sur un projet de défilé de mode où les habitants du quartier seront partie prenante du début à la fin.
Et du 17 au 19 février, nous organisons trois journées de débat sur le hip-hop. Il y aura des battles de danse féminins et nous allons faire venir des danseuses de Suède.
Nos rapports avec l’ancienne municipalité étaient compliqués, alors que l’actuelle mairie a l’air de nous faire confiance, on a donc envie d’aller encore plus loin.
Pour que ça marche dans une ville, il faut travailler en intelligence avec tout le monde. On n’est pas obligé d’être du même bord politique et d’être d’accord sur tout.