Macron aux Africains : « Je ne vous ai pas compris » !

 Macron aux Africains : « Je ne vous ai pas compris » !

KIEV – UKRAINE – 16 JUIN 2022 – Le président ukrainien Volodymyr Zelenskyy serre la main du président de la République française Emmanuel Macron lors d’une conférence de presse conjointe, à Kiev, la capitale de l’Ukraine. Pavlo_Bagmut / NurPhoto / NurPhoto via AFP

A peine publié, le tweet d’Emmanuel Macron n’a suscité que moqueries et autres satires, mis à part bien entendu les habituels thuriféraires de service qui se relaient pour la course à celui qui flattera le plus vite et le mieux. A son « Le monde entier a été témoin des crimes de guerre commis sur le sol ukrainien. Pour que les auteurs de ces crimes soient tenus pour responsables et punis conformément au droit international, nous restons mobilisés », lancé depuis Kiev, le président de la République a eu droit à plusieurs réponses teintées d’humour noir, dont celle qui parodie ses mots : « Le monde entier a été témoin des crimes de guerre commis sur le sol libyen. Pour que les auteurs de ces crimes soient tenus pour responsables et punis conformément au droit international, nous restons mobilisés ». Entre autres !

 

Il y aurait ainsi tant à dire sur le mystère sur la mort de Kadhafi, l’assassinat de Thomas Sankara, les massacrés du Rwanda, les victimes des nombreux coups d’Etat ou des parachutages de « préfets » français à la tête d’Etats africains, l’intervention musclée des troupes d’élites françaises pour mater des populations mécontentes et venir après réclamer des indemnisations des barbouzes de l’Hexagone comme ce qui s’est passé avec Gbagbo en Côte d’Ivoire etc.

Nous avons vu avec la guerre d’Ukraine le mépris avec lequel les Européens ont traité les demandes légitimes du continent de ne pas être embarqué dans un conflit qui n’est pas le sien et qui ne lui apportera que des déboires. Bien au contraire, l’histoire récente montre que les premières victimes de cette guerre, ce sont les Africains eux-mêmes et pas seulement les pays non pétroliers. Une instabilité qui exacerbe les risques de crise alimentaire, avec en filigrane la dépendance aux importations agricoles russes et ukrainiennes dont les prix aujourd’hui ont explosé. Ils sont aujourd’hui 23 pays africains surendettés ou exposés à un risque élevé de surendettement.

Le jeu de tensions et de pressions qu’exercent désormais l’Europe et la Russie sur l’Afrique, avec la récente crise ukrainienne, vient une fois de plus prouver que l’ingérence internationale est condamnée au rejet, quand elle répond aux nostalgies d’un autre âge et surtout quand elle n’est pas soutenue par une volonté démocratique interne aux pays africains eux-mêmes.

Les présidents d’Afrique francophone, dont certains ne seraient plus au pouvoir depuis longtemps sans l’ingérence de Paris et qui ne peuvent plus faire face à la grogne populaire d’émancipation vis-à-vis de l’ancienne puissance coloniale continuent de subir les pressions des autorités françaises, plus soucieuses de leurs intérêts économiques et sécuritaires que du bien-être de ces mêmes populations africaines.

Ce goût d’inachevé et le sentiment que le continent est en crise perpétuelle sont la conséquence d’une absence de volonté commune de finir avec le colonialisme déguisé mais une profonde sécularisation de l’Afrique n’est pas impossible, à condition que l’Hexagone comprenne définitivement que les richesses du sous-sol africain ne peuvent plus financer la dégringolade de l’empire francophone.

Pour boucler la boucle et démontrer que les nobles sentiments du locataire de l’Elysée Macron sont bien à géométrie variable, il faut retenir ses mots pleins de compassion, prononcés lors d’un entretien accordé à TF1 : « Notre devoir est de tenir et d’aider l’Ukraine à tenir, dans une guerre qui va durer. Je veux que nous mesurions le moment où nous avons à faire ce choix démocratique : à deux heures et demie d’avion de Paris, il y a la guerre. Ce n’est pas une abstraction, toute la région est déstabilisée. Cette guerre, nous ne savons pas où elle s’arrêtera ni quand elle s’arrêtera. »

Les Africains qui sont eux aussi à deux heures d’avion de Paris apprécieront.

 

>> A lire aussi : Macron II. A la mer, les arabes !