L’Oriental marocain: terre de la mixité culturelle et de l’identité singulière
La sérénité d’une architecture qui relate le passé et s’insère dans le présent, la teneur d’une culture religieuse porteuse de paix et de coexistence, la saveur d’une cuisine aux multiples délices, l’aura d’une musique voyageuse, ainsi que des coutumes et vêtements survivants au fil des siècles : la culture de l’Oriental marocain vous invite à sa découverte. Cette région du Nord-Est du Royaume chérifien, bordée au nord par la mer Méditerranée et à l’est par l’Algérie, est un carrefour civilisationnel à l’identité cosmopolite mais singulière.
Nous abordons ce voyage culturel à Oujda, ville millénaire au croisement des dynasties ; l’ancienne médina y est un cœur battant de la tradition, où les souks et l’architecture arabo-andalouse s’entremêlent pour former un tableau authentique. Dans les ruelles étroites, l’artisanat hérité des ancêtres éclaire les visiteurs sur un savoir-faire inscrit dans la perpétuité. Cuivre, textile, argile, bois et autres : les artisans y façonnent une diversité de matières pour créer des produits de décoration ou d’utilité, confectionnés avec finesse et adaptés aux goûts contemporains.
En relevant le regard, on est directement frappé par le charisme majestueux des remparts de la ville, transformant cet emplacement en une forteresse imprégnée de la grandeur des dynasties qui s’y sont succédé.
L’héritage urbanistique comprend, entre autres, des portails séparant l’ancienne médina de la nouvelle, tels que Bab Sidi Abdel Wahhab à l’est, Bab Lakhmiss au nord, la porte Gharbi à l’ouest, ou encore celle d’Oulad Amran au sud, menant vers l’école Sidi Ziane et la grande mosquée Jamaâ Lakbir.
Cet édifice religieux, à l’architecture attrayante et aux inscriptions captivantes, construit en 1296 sous le règne du Sultan mérinide Abou Yaâcoub Youssef, témoigne de la longévité historique de la capitale de l’Oriental. Au fil des siècles, la mosquée a joué un rôle à la fois historique, scientifique et religieux. Elle a récemment fait l’objet de travaux d’amélioration et d’agrandissement dans le cadre du programme de réhabilitation et de valorisation des monuments historiques de la médina d’Oujda.
Ces vestiges, qui racontent les temps anciens, se trouvent un peu partout dans l’Oriental. La région compte au total six kasbahs, présentes non seulement à Oujda mais aussi dans les villes de Saïdia, Taourirt, Selouane, Debdou et El Aioun Sidi Mellouke. À Figuig, en revanche, ville-palmeraie située à environ 360 km d’Oujda, ce sont les sept ksours qui incarnent un patrimoine architectural riche de plus de sept siècles d’existence.
Une identité religieuse qui transcende les frontières
Le périple nous mène ensuite vers Debdou, symbole de la coexistence et de la tolérance religieuse, où l’histoire judéo-musulmane conserve toujours ses marques. Cet ancien fief des Mérinides a constitué, pendant environ cinq siècles, une terre de tolérance où musulmans et juifs ont cohabité, ces derniers ayant trouvé refuge dans la ville après leur expulsion d’Espagne vers la fin du 15e siècle. Aujourd’hui, Debdou attire principalement des pèlerins juifs qui viennent visiter les monuments historiques et culturels de leurs ancêtres, ainsi que les mausolées.
La Zaouiya Boutchichya, située dans la région de Madagh, à quelques kilomètres de Berkane, est également un lieu où histoire et foi se rejoignent, formant un centre de pratiques religieuses ancrées dans des rituels islamiques authentiques, empreints de dévotion, de modération et de tolérance.
À travers la région, la spiritualité résonne aussi dans les centaines de mosquées qui jalonnent les zones urbaines et rurales. Dans la ville d’Oujda, la grande mosquée Jamaâ Lakbir, qui témoigne de la contribution de trois dynasties (Almoravides, Almohades et Mérinides), s’ajoute à environ 400 autres édifices religieux. Cette densité constitue une marque nationale et internationale de l’identité religieuse de la région, qui transcende les frontières.
Oujda : Capitale de la culture arabe
Carrefour géographique à la croisée des influences méditerranéennes, la région de l’Oriental se situe au premier plan de la culture panarabe. Oujda, sa capitale, a été désignée Capitale de la Culture arabe en 2018 par l’Organisation arabe pour l’éducation, la culture et la science (ALECSO), en reconnaissance de son patrimoine historique, mais aussi de la richesse de ses infrastructures et des événements culturels et artistiques qu’elle organise, fruit de l’engagement des acteurs locaux.
Tout au long de l’année, une multitude d’événements animent des lieux emblématiques de la ville, tels que les 6 500 m² du grand théâtre Mohammed VI, inauguré en 2014, et le majestueux palais de Dar Sabti, construit en 1938. Juste en face, l’espace verdoyant du parc Lalla Meryem abrite le Musée Lalla Meryem, témoin de la culture orientale, ainsi que la bibliothèque Charif Al Idrissi, véritable repère de la littérature du passé et du présent.
Cette année, la Région a été marquée par le grand retour du Salon Maghrébin du Livre, événement annuel qui s’est tenu à Oujda en avril dernier pour sa quatrième édition. Coiffé par l’Agence de Développement de l’Oriental, en collaboration avec le ministère de la Jeunesse, de la Culture et de la Communication, ainsi que d’autres partenaires locaux et régionaux, le Salon réunit des écrivains, poètes, philosophes, psychanalystes, anthropologues et artistes de renom, dans un espace de partage et de tissage de liens entre les peuples et les cultures.
La ville accueille également la foire régionale du livre, le festival international du théâtre, le festival du théâtre de l’enfant, le festival des arts populaires, la nuit des galeries, et bien d’autres activités, témoignant ainsi de son engagement palpable en faveur de la culture et de la promotion artistique.
L’Oriental : une mosaïque culturelle aux multiples facettes
Dans le riche tissu culturel de l’Oriental, la musique occupe une place de choix. Du Raï, musique d’improvisation poétique enrichie par l’occidentalisation des instruments, à la musique et danse guerrière de la Reggada, issue des tribus Zénètes, en passant par le Gharnati, dont le nom est dérivé de Grenade, dernier bastion de l’Andalousie sous souveraineté musulmane, le 4ème art se conjugue admirablement à l’Oriental.
Cette richesse musicale est célébrée lors du Festival de la musique Gharnati, du Festival international du Raï, ou encore pendant les grandes fêtes populaires, telles que les mariages, où ces musiques font vibrer locaux et visiteurs avec leurs symphonies émouvantes et leur sonorité pleine d’émotion.
Joignant tradition et modernité, cet art est porté par de jeunes artistes investis de la noble mission de préserver le patrimoine. C’est notamment le cas de Fatima Zahra El Qortobi, jeune ingénieure d’État, qui fait de sa passion pour le chant Gharnati un moyen de dévouement à la préservation de l’identité de son territoire d’origine.
D’ailleurs, faut-il rappeler qu’au fil des années, l’Oriental a livré au monde des personnalités emblématiques dans le domaine culturel, revêtant le titre d’ambassadeurs de la Région. L’écrivain Mohamed Choukri, l’acteur et humouriste Jamel Debbouz et les musiciens Younes Migri et Abdelhafid Douzi, sont toutes des personnalités éminentes qui portent en elles un cœur qui bat pour l’Oriental, leur région d’origine.
Au cœur des éléments qui définissent l’identité de l’Oriental, se trouve la gastronomie. En arpentant le schéma urbanistique de la Région, le visiteur ne peut que céder aux odeurs savoureuses que dégagent les plats sucrés et les délices salés de la Région. Les Ghriyba, ces macarons faits de farine, sucre et beurre, les Maqrout, ces gâteaux faits de dates et de miel, le Mçaouar, un méchoui de mouton à la broche, ou encore la Becbouca, composée de tripes de mouton farcies de riz : la gastronomie de l’Oriental est une particularité qui fait la fierté de sa population locale.
Dans cette mosaïque culturelle, une variété de vêtements traditionnels s’insère avec brio. À sa tête, c’est la Blouza Oujdia qui jouit d’un intérêt particulier de la population. Cette robe élégante ornée de motifs sophistiqués est souvent portée lors d’événements spéciaux. Grâce à une mobilisation de plusieurs femmes couturières actives dans la sphère associative, cet héritage vestimentaire oujdi se modernise pour accompagner les goûts du moment. À ses côtés, à Figuig en particulier, le Haïk, un long drap blanc vertueux et épuré, continue d’être porté dans le temps par les femmes de l’Oriental, qui en font un vêtement traditionnel iconique.
Par son identité religieuse profonde, son architecture ancestrale impressionnante, sa gastronomie savoureuse, sa musique authentique, ses habits traditionnels qui racontent chacun une histoire et bien d’autres aspects qui font d’elle une région culturelle par excellence, l’Oriental continue d’allier tradition et modernité, formant un patrimoine vivant et dynamique qui mérite d’être valorisé et partagé.