Loi immigration : La régularisation des travailleurs sans-papiers fait débat
Le projet de loi immigration, porté par le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, inclut l’article 3, qui propose d’octroyer un titre de séjour aux étrangers travaillant clandestinement en France dans des secteurs souffrant de pénuries de main-d’œuvre, tels que le BTP ou la restauration. Cette initiative a déclenché une bataille politique entre l’aile gauche de la majorité présidentielle et la droite, dont le soutien est essentiel pour faire adopter le texte.
Les députés et sénateurs du parti Les Républicains (LR) soutiennent fermement le renforcement des mesures pour accélérer les expulsions des étrangers délinquants que contient le projet de loi sur l’immigration du gouvernement. Mais, ils s’opposent catégoriquement à toute régularisation des sans-papiers. Selon eux, une telle régularisation créerait un « appel d’air » et encouragerait davantage l’immigration clandestine. Certains menacent même de déposer une motion de censure si l’article 3 est maintenu dans le projet de loi.
Face à cette opposition, l’aile gauche de la majorité présidentielle a pris position en faveur de la régularisation des travailleurs sans-papiers. Dans une tribune publiée dans Libération, dix parlementaires de la majorité, dont des membres du Parti communiste et des Verts, ont appelé à la régularisation des sans-papiers travaillant dans des secteurs en tension, tels que le BTP, l’hôtellerie-restauration, la propreté, la manutention et l’aide à la personne. Ils estiment que ces travailleurs jouent un rôle essentiel dans le fonctionnement de ces secteurs et contribuent à l’économie française.
Une main-d’œuvre essentielle
Bien qu’il n’existe pas de chiffres officiels sur le nombre de sans-papiers en France, il est estimé entre 400 000 et 800 000, selon le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti). Beaucoup d’entre eux occupent des emplois vacants, principalement dans des secteurs peu ou pas qualifiés en difficulté pour recruter. Les emplois dans le BTP, l’agriculture, le nettoyage, la sécurité, l’hôtellerie-restauration et les services à la personne sont particulièrement concernés.
L’article 3 du projet de loi s’inspire du concept de « l’immigration choisie » promu par l’ancien président Nicolas Sarkozy. Cette approche permet aux employeurs de demander la régularisation de leurs employés sans papiers s’ils ont travaillé pendant au moins un an dans des secteurs et des zones géographiques en tension. Actuellement, environ 30 000 régularisations de ce type ont lieu chaque année.
Une régularisation temporaire
Cependant, certains critiques estiment que cette approche est hypocrite, car elle maintient les sans-papiers dans une précarité constante. Les travailleurs sans-papiers ne bénéficient d’aucune aide, à l’exception de l’aide médicale d’État, et sont souvent contraints de travailler dans des conditions difficiles et mal rémunérées. De plus, le titre de séjour ne serait valable que pendant un an, nécessitant un renouvellement constant. Le projet de loi ne précise pas non plus comment traiter les travailleurs qui changent d’emploi ou dont les métiers ne figurent plus sur la liste des secteurs en tension.
L’enjeu de la régularisation des sans-papiers divise profondément la classe politique française. Le gouvernement doit décider s’il maintiendra l’article 3 dans le projet de loi malgré l’opposition de la droite et de l’extrême droite. Le porte-parole du gouvernement, Olivier Véran, a affirmé que la majorité présidentielle soutient fermement cette mesure et a minimisé l’impact potentiel sur l’immigration clandestine. Les débats autour de cette question s’annoncent animés alors que le projet de loi devrait être examiné au Sénat en novembre 2023, suivi de l’Assemblée nationale en début d’année 2024.