Salim Zerrouki : « Regarder notre société autrement »
Dans sa première bande dessinée, l’Algérien Salim Zerrouki tend un miroir satirique aux sociétés maghrébines. Son talent s’épanouit dans une autodérision enrobée d’une fine couche de tendresse.
Comment en arrive-t-on à souhaiter “se débarrasser” de ses congénères et, de fait, de soi-même ?
Pour le bien de l’humanité, c’est évident, non ? Vous comprenez bien que c’est du second degré et que je ne souhaite pas réellement l’extinction de mes congénères – malgré le bien que cela pourrait faire au monde (rires). Il s’agit d’un titre provocateur, pour titiller mes compatriotes et les inviter à regarder notre société autrement. Mais c’est vrai que pour en arriver là, il faut accumuler un ras-le-bol, alimenté depuis plusieurs années par un certain nombre de comportements qui, pour moi, n’ont plus lieu d’être en 2018.
Vous êtes-vous posé la question de l’accueil qu’aurait ce livre et, par ricochet, de l’impact qu’il pourrait avoir sur votre réputation ? Un humoriste comme Fellag, par exemple, reste considéré par certains en Algérie comme un “traître”…
De toute façon, dans n’importe quelle société, dès qu’on pense autrement, on reçoit cette étiquette de “traître”. Oui, je sais que certains n’apprécieront pas et voudront garder cette fausse dignité face au monde, malgré la souffrance engendrée par cette léthargie dans laquelle nous vivons.
Votre album est plein de finesse. Il raille les travers des sociétés maghrébines, tout autant que les préjugés dont elles sont victimes, en France notamment…
Je ne suis pas un intello : les questions trop complexes, je m’y perds ! Oui, il y a beaucoup de subtilités pour quelqu’un qui connaît la société maghrébine. Elles sont cachées dans des détails ou insinuées dans des répliques. Je préfère suggérer les choses. J’ai découvert que lorsque la BD est entre des mains occidentales, elle a un tout autre aspect que je n’avais pas envisagé au début. Les Occidentaux ont perçu les choses autrement et positivement.
Avez-vous en tête un cliché en particulier que les “Franchouillards” ont sur les “Arabes” et qui vous énerve ?
Ils croient que nous sommes tous arabes ET musulmans, ça me rend malade !
Vous prétendez qu’“un Arabe qui se respecte meurt du cholestérol”. Où en êtes-vous de ce côté-là ? Une pizza mayo-frites en vue ?
Vous voulez me brouiller avec ma belle-mère ? Je fais plein de choses comme les Arabes mais, “el hamdoulilah”, la pizza-frites-mayo, je n’y ai jamais touché !
100 % BLED, COMMENT SE DÉBARRASSER DE NOUS POUR UN MONDE MEILLEUR de Salim Zerrouki, co-éditions Encre de Nuit et Lalla Hadria, 64 p., 12 €.