Livres. L’homme qui arrêta le désert
Les Faits. Comment exprimer l’enchantement de la forêt, surtout quand celle-ci est revenue du royaume des morts. Pour décrire la renaissance des arbres, les mots achoppent sur le réel, le désert qui rôde toujours aux alentours assourdit la rhétorique. Pas facile, même pour les meilleures plumes, d’exprimer cette métamorphose d’un plat pays aride en paysage de rêve. C’est pourtant l’histoire aussi simple mais extraordinaire d’un homme, Yacouba Sawadogo qui s’est attaqué au désert à mains nues, comme David s’était soulevé contre Goliath sans être certain d’en sortir vainqueur.
Si l’idée de stopper l’avancée inexorable du désert serait née dans l’esprit bouillonnant de l’ancien leader politique du Burkina Faso Thomas Sankara, les initiatives concrètes pour un résultat tangible ne sont venues qu’après.
Cette écologie à l’envers a entraîné un important exode rural, des villages entiers se sont vidés et la désertification a définitivement compromis l’émancipation des communautés locales. Des terres de brousse aux savanes squelettiques, des sols appauvris incultes, la disparition de nombreuses espèces végétales et de nombreux animaux ont bouleversé la vie des habitants et les écosystèmes sahéliens.
C’est en cela que l’initiative d’un homme Yacouba Sawadogo qui n’a pas hésité à abandonner son travail d’ouvrier pour se consacrer à la reforestation dans son village natal Gourga. Bien seul, il se met néanmoins à l’ouvrage pour réhabiliter le zaï, une technique ancestrale héritée du savoir des anciens de cette Afrique de l’Ouest qui permet de faire revivre la verdure malgré les sols asséchés et le manque d’eau. Un simple paysan qui a fini par sortir de terre en quarante années d’efforts et de travail patient et acharné, une forêt de 40 hectares.
Le commentaire
C’est l’expérience extraordinaire de cet homme, Yacouba Sawadogo, que Damien Deville, chercheur se définissant lui-même comme méditant et militant, a choisi de raconter dans un ouvrage à l’intitulé un brin provocateur « l’homme qui arrêta le désert » !
L’auteur en parle avec un respect et une déférence qui rappelle cette tradition africaine où les anciens sont encore au cœur de la cité, prodiguant conseils et mises en garde contre la déshumanisation du monde : « En échangeant avec lui, en l’écoutant et en le regardant parler, nous avons entendu le monde changer, et je choisis les mots ici pour transmettre à mon tour son message. Un message qui m’anime également. Nous venons d’hémisphères différents, nous sommes issus de réalités distinctes et nous sommes tournés vers la même direction. Lui le vieux, moi le jeune, nos utopies se rencontrent à l’endroit précis où s’engage la relation. Ce livre témoigne de cette rencontre, il est le support sensible de la volonté́ que nous avons en commun, il met en mots l’une des seules forces d’âme qui devrait tous et toutes nous rassembler : la quête de l’altérité́. Yacouba m’a aussi montré́ qu’au Burkina Faso, nombreux sont ceux qui construisent des alternatives à même de contrer le chaos du monde ».
Et demain ?
Voilà une expérience qui pourrait servir à apporter des solutions concrètes au dérèglement climatique. Les changements climatiques sont une réalité amère, si la hausse des températures est grave, on sait aussi que les plantes contribuent à réduire les émissions à effet de serre. Plus on plante plus cela va donner une certaine santé à l’environnement naturel. Sauf qu’il y a urgence, pour une véritable restauration écologique. Il faut juste que les populations soient impliquées et comme le dit l’auteur « les injonctions ne sont pas que contraintes, ils mènent également vers l’émancipation des femmes et des hommes, des humains et des non- humains ».