« La guerre est une ruse » : Retour sur les années noires en Algérie

 « La guerre est une ruse » : Retour sur les années noires en Algérie

Frédéric Paulin


Un récit qui démarre dès les années 90, en Algérie, juste après les émeutes de 1988 et la victoire du FIS en 1991, époque de la sale guerre qui fera 55 000 morts et un bon nombre de disparus sans que l’on sache aujourd’hui, qui des services secrets ou des djihadistes a comptabilisé le plus de morts dans ses tristes bilans… 


« La guerre est une ruse » ne ressemble pas aux autres romans. L’auteur mêle subtilement, personnages réels et acteurs de roman, faits avérés et d’autres imaginaires mais avec un souci de réalité qui en dit long sur l’étendue des informations dont il dispose sur cette douloureuse période d’une Algérie minée par une guerre intestine, où les généraux n’ont rien à envier en matière de cruauté et de corruption à leur ennemi salafiste, où la France, par l’intermédiaire de ses barbouzes, a beaucoup à voir avec les massacres commis au nom de la lutte contre le terrorisme.


Nous sommes en 1992, et c’est le capitaine Albin Stein, dit le Français, agent de la DGSE en poste à Constantine qui va mener la danse tout au long du roman, secondé par Tedj Benlazar, un algérien qui  travaille lui aussi pour la DGSE .


Le récit de Frédéric Paulin est tributaire des états d’âme de cet algérien : "L'idée, c'est de ne pas se tirer une balle dans la bouche dans un moment de trop grande déprime. Tedj Benlazar n'y pense pas chaque matin. Mais de temps en temps, ça le prend (…)". On comprendra un peu plus tard l'incroyable secret que cache ce drôle de personnage…


Un attentat terroriste vient de faire 9 morts et plus de 120 blessés à l'aéroport d'Alger : les autorités françaises, comme d'habitude, ne prennent pas la mesure de la situation, et c'est un crève-cœur pour Benlazar qui vit depuis des années loin de sa famille restée en France et perçoit tous les jours davantage les menaces qui pèsent sur l'Algérie… et sur la France, tout en enquêtant sur l'existence de camps de concentration, voire de camps d'extermination ».


« Camps d’extermination » ! Le mot est lâché, depuis la fin de la sale guerre, rares sont les journalistes, essayistes et encore, défenseurs des droits de l’homme, à avoir plongé leur nez dans les dossiers noirs de la sale guerre, puisqu’il s’agissait d’éradiquer des islamistes enragés; pourquoi fouiller dans la manière dont ils ont été massacrés ?


Au service de ce récit haletant, Frédéric Paulin a imaginé également des personnages secondaires attachants passionnants, qui jettent une lumière crue sur les guerres intestines qui animent les tenants du pouvoir,  le rôle de la France dans le destin final de cette tragédie.


Au final, ce mélange de réel et de fiction aboutit à un portrait sans fioritures d’une nation qui n’a jamais connu de répit de la colonisation à la violence de la guerre d'indépendance, de la guerre civile en passant par la corruption actuelles des élites tenues en otage par une nomenklatura de généraux. Merci qui ?


Frédéric Paulin, La guerre est une ruse, Agullo édition.