« Contrairement à M. Valls, je n’ai pas tourné casaque par intérêt opportuniste »

 « Contrairement à M. Valls, je n’ai pas tourné casaque par intérêt opportuniste »

Un mois après la sortie de son livre


« Antisémite », le nouveau livre de Pascal Boniface est sorti en librairie le 11 janvier, aux éditions Max Milo. Le Courrier de l’atlas avait été le premier média à écrire un article à ce sujet. Un mois après, nous avons à nouveau rencontré Pascal Boniface. 


 


Quel bilan vous tirez un mois après la sortie de votre livre ?


Je suis content d’avoir écrit ce livre, d’avoir livré ma version de cette histoire qui, par ailleurs, n’a pas été factuellement contestée par personne. Cela montre que j’ai écrit la véritable histoire et non les fake news qui circulaient sur moi et la déformaient à dessein.


Beaucoup de gens n’en avaient que des brides quand d’autres l’ignoraient complètement. De nombreuses personnes m’ont signalé leur émoi et leur stupéfaction devant une telle campagne, intense, violente et longue. En même temps, je ne m’attendais pas à ce que ces attaques s’arrêtent après la publication de l’ouvrage. En France, une peine incompressible ne peut s’étaler au-delà de 22 ans ! Je suis condamné jusqu’à mon dernier souffle, et apparemment au-delà puisque quelqu’un comme Frédéric Encel (NDLR: professeur en sciences politiques connu pour ses positions pro-israéliennes) s’est même cru permis, en toute impunité, de s’attaquer à l’un de mes fils, comme je le raconte dans le livre. Au moins personne de bonne foi ne peut ignorer ce qui s’est passé. C’est le plus important.


 


Êtes- vous satisfait de la couverture médiatique ?


C’est mitigé. Quelques médias ont fait leur boulot : Politis, l’humanité, CNews avec Sonia Mabrouk qui a ensuite proposé un débat à Manuel Valls (que celui-ci a bien sûr refusé), 20 minutes, et également une bonne surprise chez Zemmour et Naulleau, où le débat avec le premier fut vif, mais correct. Eric Zemmour est un adversaire loyal, qui supporte la contradiction et accepte d’inviter des personnes aux idées opposées aux siennes et (tout comme Éric Naulleau) a fait l’effort de lire l’ouvrage. Ce n’est pas si fréquent. Sinon, aucune matinale de radio, aucun quotidien, ni aucun hebdomadaire n’en a parlé.


 


Comment l’expliquez-vous ?


Il y a ceux qui me sont simplement hostiles. Ils abhorrent les idées que je défends, et ne m’ont jamais invité, que je parle Proche-Orient, football ou Léo Ferré (je ferai un livre de recettes végétariennes, ce serait pareil). Il y a surtout l’autocensure, la peur de se mouiller, d’être exposé en s’exposant à mes côtés. Le sujet est explosif, donc il est plus facile de ne pas s’en approcher (ce qui le rend paradoxalement encore plus explosif ! ). Cette censure et cette autocensure alimentent le complotisme, souvent dénoncé, par ailleurs, par les mêmes…


 


Depuis près de 17 ans, vous êtes victime d’un chantage à l’antisémitisme basé sur rien du tout puisque vous n’avez jamais tenu des propos allant dans ce sens, aucune plainte n’a été déposée contre vous. La sortie de ce livre a-t-elle permis d’assagir la situation ou au contraire l’a-t-elle envenimée ?


En effet, aucune plainte n’a été déposée contre moi et si j’avais tenu depuis 17 ans le moindre propos antisémite, écrit dans un ouvrage ou prononcé lors d’une conférence ou quelconque intervention, j’aurais immédiatement été déféré devant la justice, ou une campagne massive aurait été portée contre moi. Quand on voit la facilité avec laquelle on fouille dans des tweets écrits il y a longtemps pour mettre quelqu’un à l’index, nul n’a trouvé la moindre accroche contre moi.


 


Recevez-vous plus de menaces depuis la sortie de ce livre ?


Il n’y a pas plus de menaces qu’auparavant : ce n’est pas que les choses se soient calmées, mais peut-être ces dernières sont-elles plus sournoises, indirectes ou masquées. Mais il y a aussi de bonnes surprises : quelques personnes ont rectifié leur jugement et surtout des gens qui, n’ayant pas réalisé l’ampleur des attaques, veulent manifester leur solidarité. Cela fait chaud au cœur.


 


Vous avez proposé de débattre avec Manuel Valls, mais celui-ci a décliné. Quels ont été les arguments avancés par l’ancien premier ministre pour refuser une telle offre ? Ses explications vous ont-elles convaincues ?


Dans un premier temps, il n’a pas dénié répondre lui-même : via Twitter, son assistante parlementaire a fait savoir que ce n’était pas moi qui allais dicter son agenda médiatique ! Mais je n’ai jamais demandé à ce qu’il m’attaque de façon aussi répétitive et injuste ! Je publie dans mon livre un mot de soutien qu’il m’avait adressé en 2003, disant qu’il était de tout cœur avec moi et qu’il partageait mes positions sur le Proche-Orient. Très franchement, écrire au ministère de la Défense et des Affaires étrangères pour demander la fin des relations avec l’IRIS (NDLR : Pascal Boniface est le directeur de ce centre de recherche) est proprement hallucinant. La même situation se déroulerait en Turquie ou en Russie, la presse française serait vent debout. M. Valls est présent dans tous les médias et personne ne l’interroge là-dessus. C’est stupéfiant. Sonia Mabrouk (NDLR : journaliste à CNews) qui, j’en ai fait l’expérience, mène des interviews assez incisives a eu le courage de lui demander pourquoi il ne voulait pas débattre avec moi : il a répondu qu’il ne voulait pas s’y « abaisser » et qu’il me trouvait « ambigu sur la question de l’antisémitisme ». Mais si je suis ambigu, il est très facile de me mettre en porte-à-faux. La vérité c’est qu’il a peur d’un débat contradictoire, parce qu’il sait très bien qu’il serait mis en difficulté.


 


Avec du recul, regrettez-vous d’avoir écrit cette fameuse note en 2001 qui a été le point de départ de ces quinze années de chantage à l’antisémitisme ? (NDLR :  une note à l’intention des dirigeants socialistes pour demander à ce que le PS retrouve ses valeurs de gauche en condamnant fermement le gouvernement d’extrême droite israélien de Sharon) ?


Je ne vous cache pas m’être parfois posé la question. Il est certain que ma vie aurait été plus facile, que de nombreuses portes se seraient ouvertes plutôt que fermées, et que ma carrière aurait pris une autre dimension. Mais à quoi servent les regrets ? On ne réécrit pas l’histoire. Et si, par ailleurs, cela m’a valu bien des désagréments, il y eut quand même des côtés positifs : beaucoup de gens saluent mon intégrité et mon courage. Je peux me regarder dans la glace et dire que je suis resté fidèle aux engagements adolescents qui furent les miens. Contrairement à M. Valls, je n’ai pas tourné casaque par intérêt opportuniste. De plus, le soutien de ma famille qui m’a vu faire face n’a pas de prix. Comme je le dis parfois, quand je vois la liste de mes amis et de mes ennemis, je suis aussi fier de l’une que de l’autre.


 


Quel retour avez-vous eu des lecteurs ou du public en séance de dédicace par exemple ?


Franchement, très agréable. Bien entendu, il s’agit plutôt d’un public de sympathisants ou curieux. Les premiers me confirment leur soutien quand les seconds me l’apportent. C’est toujours très chaleureux et humainement très réconfortant.


Voir aussi :


 


L'interview de Sonia Mabrouk dans le numéro de février


 


Autres articles sur Pascal Boniface dans le Courrier de l'Atlas : 


 


Dossier du Courrier : Pascal Boniface, l'écoeurement face aux amalgames


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