Livres. Alors Monsieur Macron, heureux ?
On aurait tort de juger le « Alors Monsieur Macron, heureux ? » comme un ouvrage de satire politique, même si ce court essai, publié par Michel Wieviorka au lendemain de la victoire d’Emmanuel Macron, ne manque pas de sel.
D’ailleurs (cela dit au passage) le personnage no1 de l’Hexagone devrait prendre le temps de lire les critiques contenues dans l’ouvrage, puisque sur le style qui aime bien châtie bien, l’auteur qui rappelle que Macron a été élu au terme d’une campagne médiocre interpelle directement le locataire de l’Elysée : « Votre positionnement général est complexe, nuancé, il n’est pas dogmatique et surtout, il comporte des ambivalences, ce que vous avez appelé le « en même temps », qui a renouvelé le genre du « ni-ni » popularisé par François Mitterrand après sa réélection pour un second mandat – « ni nationalisation ni privatisation » avait-il alors professé ».
Mais justement parce que l’espoir est encore là, Wieviorka ne laisse pas passer l’occasion de tendre la perche à un Macron qui dispose encore d’une certaine marge de manœuvre : « En 2022, le « en même temps » vous a encore valu des soutiens plus ou moins argumentés venus de personnalités de la droite classique, alors que je n’ai perçu aucun souffle porteur d’une quelconque idée de gauche dans les ralliements récents dont vous avez pu bénéficier quand ils étaient le fait d’anciens responsables socialistes. Le « en même temps » est, me semble-t-il, déséquilibré. Mais il existe, et c’est pourquoi je m’adresse à vous ».
Dans cet appel au président réélu, le sociologue, directeur d’études à l’Ecole des hautes études en sciences sociales, souffle à Macron l’idée de s’atteler à redonner du souffle aux idéaux démocratiques. Pour atténuer les blessures de la gestion catastrophique de la pandémie, le chef d’Etat qui n’a pas hésité à proclamer sa volonté « d’emmerder une grande partie des Français » a tant à faire pour faire oublier ces atteintes aux libertés que d’atténuer sa propension à relayer les discours élitistes, en enterrant notamment les corps intermédiaires (syndicats, élus locaux) qui faisaient fonction de relais de la parole d’en bas.
Résultat : « Entre les extrêmes et l’Elysée, le système politique est resté dévasté, vous avez siphonné selon les conjonctures l’électorat de la droite, ou celui de la gauche. Votre parti n’en a pas été grandi pour autant, fiction sur le terrain et instrument inconsistant et fat – « probablement trop intelligent, trop subtil » selon les déclarations grotesques de son chef Gilles Le Gendre en décembre 2018 -, vecteur d’une verticalité se jouant sans transition de l’Elysée vers la population », martèle l’auteur.
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