Limogeages en série en Tunisie suite à l’évasion de 5 djihadistes

 Limogeages en série en Tunisie suite à l’évasion de 5 djihadistes

Au-delà des désastreux impact politique, l’heure est aux premières répercussions administratives de ce que les Tunisiens appellent déjà « la grande évasion » hier 31 octobre, non pas de cinq salafistes, mais de ce qui est considéré comme étant « le top 5 » des plus dangereux terroristes du pays, toujours en cavale.

Première conséquence de ces évasions, mardi soir le ministère de l’Intérieur a annoncé le limogeage de deux hauts dirigeants : le directeur général des services spéciaux et le directeur central des renseignements généraux. Le directeur de la prison de Mornaguia, plus grand centre pénitentiaire du pays, a également été remercié quant à lui sur instruction du ministère de la Justice qui a annoncé « d’autres décisions à venir sur la base de l’enquête ». Cinq employés de la prison, dont le directeur, ont été placés en garde à vue.

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Mais ces décisions immédiates sont déjà sous le feu des critiques en Tunisie : une fois de plus, non seulement le pouvoir exécutif n’annonce aucun nom pour remplacer ces hauts dignitaires dont les places resteront vacantes pour une durée indéterminée, mais le directeur général de la sûreté publique, Moez Aouini, limogé récemment le 7 septembre dernier, n’a toujours pas été remplacé. En clair, les principales fonctions sécuritaires du pays sont désormais assurées par des intérimaires, à l’instar de plusieurs importants postes diplomatiques et de gouverneurs clés.

Nous en savons par ailleurs davantage sur le profil des fugitifs ainsi que les dessous de leur fuite spectaculaire. Parmi eux, Ahmed Melki, 44 ans, surnommé « le Somalien », impliqué dans des assassinats en 2013 de politiciens de l’opposition, condamné à 24 ans de prison. Interpellé en 2014, il est le principal accusé pour le meurtre le 25 juillet 2013 du député panarabiste Mohamed Brahmi. Il a aussi été impliqué dans la logistique de l’assassinat le 6 février 2013 à Tunis du leader de l’extrême gauche Chokri Belaïd.

 

Images post évasion, fuitées de la prison

Dans la journée de mardi, des images présumées de l’opération d’évasion ont commencé à circuler sur les réseaux sociaux, ce qui constitue en soi un manquement au règlement intérieur auquel sont soumis les gardiens du pénitencier. On y constate d’abord non pas une mais deux armatures sectionnées respectivement de deux fenêtres dont la taille minuscule a ouvert la voie à des spéculations de « cover-up », certains internautes n’étant pas convaincus que le gabarit de l’un des fugitifs ait pu passer au travers de ces interstices.

On y découvre aussi que, comble de l’humiliation pour les autorités et du culot des fugitifs, ces derniers auraient attaché une corde à la tour de contrôle pour redescendre tranquillement à l’extérieur, ce qui présuppose qu’ils ont traversé une zone truffée de caméras. Sans compter qu’étant à l’isolement, ils étaient surveillés individuellement chacun par des caméras en cellule.

Sur l’un des plateaux TV consacrés à l’évènement, on apprend que les mêmes cinq détenus auraient par le passé déjà tenté de s’évader d’une autre prison avant leur transfert à la Mornaguia, dont deux en creusant des tunnels à Borj Erroumi, et en 2015 pour le Somalien qui avait tenté d’endormir les gardiens après qu’il ait pris possession de 8 litres d’une substance anesthésiante.

Aujourd’hui, le silence du pouvoir laisse enfin la porte ouverte à toutes sortes de théories du complot, parmi elles les plus rocambolesques avancent que les services de divers pays étrangers auraient facilité la chose.

Selon un rapport du Crisis Group datant de juin 2021, « sur environ 2. 200 personnes emprisonnées en vertu de la loi antiterroriste de 2015, 160 individus condamnés pour avoir commis ou organisé des violences djihadistes sur le territoire tunisien », aux côtés d’une dizaine de djihadistes tunisiens, extradés et rapatriés en Tunisie.