Limogé, l’ambassadeur tunisien à l’ONU proteste contre Carthage

 Limogé, l’ambassadeur tunisien à l’ONU proteste contre Carthage

Kais Kabtani livrant un discours à l’Assemblée générale de l’ONU

En poste depuis seulement 5 mois, l’ambassadeur tunisien à l’ONU, Kais Kabtani (49 ans), révèle aujourd’hui avoir été limogé, à son tour, sur décision présidentielle. Il dit avoir décidé de quitter la diplomatie tunisienne et ne plus avoir confiance envers le président Kais Saïed.

 

« Je quitte la diplomatie tunisienne, c’est une question d’honneur, de principes », a-t-il pesté, précisant à l’AFP avoir appris la veille « par les réseaux sociaux » son éviction de l’ONU, où la Tunisie occupe jusqu’à fin 2021 un siège de membre non permanent au Conseil de sécurité. Il s’agit pour la Tunisie du deuxième remplacement de son ambassadeur à l’ONU en sept mois.

En janvier dernier, le diplomate Moncef Baâti, rappelé par le pouvoir alors qu’il était à la retraite, avait été limogé après lui aussi cinq mois en fonction, accusé par la présidence tunisienne d’avoir privilégié dans un dossier les Palestiniens au détriment des relations avec les Etats-Unis. Remercié simplement pour avoir distribué précocement le texte d’une proposition de résolution tunisienne à l’ONU, Baâti avait déjà été victime du tempérament que l’on savait déjà capricieux du président Saïed. Mais si Baâti avait contre lui le fait d’avoir été nommé par feu Béji Caïd Essebsi, cette fois le président procède à l’éviction d’un homme qu’il a lui-même nommé.

En juin 2019, la Tunisie avait été élue par l’Assemblée générale des Nations Unies à New York, membre non-permanent au Conseil de sécurité pour le mandat 2020-2021 avec 191 voix sur un total de 193 pays membres de l’organisation onusienne.

 

Que veut donc Kais Saïed ?

Kais Kabtani, jusqu’alors en poste en Ethiopie, avait pris ses fonctions à l’ONU le 31 mars. Il a notamment conduit avec son homologue français Nicolas de Rivière de difficiles négociations pendant trois mois au sein du Conseil de sécurité, ayant abouti à l’adoption le 1er juillet d’une résolution appelant à un cessez-le-feu dans les pays en conflit, afin de faciliter la lutte contre la pandémie de Covid-19.

« C’est la première résolution jamais adoptée à l’ONU à l’initiative de la Tunisie depuis son indépendance », s’est félicité Kabtani, amer suite à ce qu’il considère comme l’ingratitude de son éviction de la sorte. En juillet, Carthage avait longuement fait la promotion de cette victoire symbolique.

Ce double limogeage par le pouvoir tunisien est « très mauvais pour l’image de mon pays », a déploré l’ambassadeur sortant Kabtani, mettant en cause « l’entourage du président » tunisien dans son éviction, et suggérant le caractère influençable de Saïed.

Il précise avoir refusé une mutation vers un poste prestigieux en Europe, affirmant n’avoir « plus de confiance » envers le président tunisien Kais Saied. « J’ai fait mon devoir, je me suis investi à fond » avec une toute petite équipe diplomatique à New York et « ça me désole » pour la Tunisie, poursuit ce juriste de formation, en faisant part de sa profonde déception.

En fonction depuis bientôt une année, le président Kais Saïed ne cache plus son impulsivité y compris dans ses discours officiels où reviennent régulièrement des obsessions thématiques de « la trahison » et du « complot ». Après avoir totalement remanié son propre cabinet et opéré une volte-face à l’égard du chef du gouvernement Hichem Mechichi qu’il ne soutient plus, le président semble encore plus intransigeant s’agissant de la diplomatie, l’un de ses deux champs de prédilection en termes de prérogatives en vertu de la Constitution.

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